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Donner son corps à la science: une démarche "altruiste" mais coûteuse

Une morgue (Photo d'illustration).

Une morgue (Photo d'illustration). - JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Environ 2500 Français donnent leur corps à la science chaque année. Après les accusations de L'Express contre le centre de don de l'Université Paris-Descartes, BFMTV.com revient sur cette démarche, encore méconnue en France.

C'est l'une des trois options qui s'offrent à nous au moment de notre mort: la crémation, l'enterrement ou le don de notre corps à la science. Environ 2500 personnes optent pour cette dernière orientation, d'après le rapport de 2015 de la Fondation des services funéraires de la Ville de Paris sous l'égide de la Fondation de France.

Une enquête de l'hebdomadaire L'Express publiée cette semaine accuse l'un des 28 centres qui s'occupent de ces dons de graves négligences. Pendant plusieurs années, les dépouilles auraient été entreposées dans des locaux insalubres, sans aucun respect de l'éthique médicale. Mais quelles règles régissent cette démarche, encore méconnue en France? 

Raisons altruistes

Le don du corps à la science est encadré par le Code général des collectivités territoriales, qui stipule qu'un "établissement de santé, de formation ou de recherche" peut recevoir un corps si la personne, a, du temps de son vivant, "fait une déclaration écrite en entier, datée et signée de sa main" dans laquelle l'établissement où le corps doit être remis est clairement indiqué. Ce document est ensuite transmis au Centre du don des corps (CDC), accompagné d'une fiche de renseignements.

Il est également demandé que les proches soient informés de ce choix. Toute personne majeure peut faire don de son corps et ainsi obtenir une carte de donneur, sauf si l'intéressé est atteint d'une maladie transmissible, comme "le VIH ou une hépatite", nous précise-t-on à l'Académie nationale de médecine.

Le rapport de 2015 cité plus haut affirme que les donateurs, en majorité des hommes, font ce choix pour des "raisons altruistes, la reconnaissance de l'importance de l'institution médicale, le rejet ou la distance d'avec les modes funéraires traditionnels". 

Un legs loin d'être gratuit

On pourrait penser que ce don est gratuit. En réalité, de nombreux centres facturent ce legs, indique à BFMTV.com Michel Kawnik, président et fondateur de l'Association Française d'information funéraire (Afif). Les tarifs sont inégaux sur le territoire, avec un service "bénévole" au centre de l'université Paris-Descartes, contre des frais de 600 euros à Angers, et jusqu'à 1500 euros à Nice, s'étrangle le président de l'Afif.

Un montant auquel il faut ensuite ajouter celui facturé pour le transport, qui ne relève généralement pas de l'université. Il peut atteindre entre 400 et 700 euros, précise à notre antenne Guy Vallencien, chirurgien et ancien directeur des Saints-Pères, le CDC mis en cause par L'Express.

Une fois le corps transféré au centre - dans un délai maximum de 48 heures -, ce dernier est placé pour une durée variable dans une chambre froide. "Avec des produits de conservation, les dépouilles peuvent être gardées entre 3 et 6 mois" assure-t-on à l'Académie de médecine. Sans ces derniers, les corps doivent en revanche être utilisés dans un laps de temps très réduits, quelques jours, pas plus. Ils sont mis à la disposition de cours pour des étudiants "afin d'apprendre à devenir de vrais médecins avec de vrais tissus humains", explique fièrement l'Académie de médecine.

L'anonymat des corps en question 

Dès que le corps franchit les murs de l'université, ce dernier devient anonyme. La famille ne dispose d'aucun suivi. "Sauf dans des cas très spécifiques où le défunt a fait la demande que ses cendres soient ensuite retournées à ses proches", note Michel Kawnik. Une certaine opacité qui est critiquée, car à l'origine de possibles dérives, comme celles dénoncées aujourd'hui.

"Les centres ne communiquent pas assez. Chaque semaine, une dizaine de familles nous appellent car elles ne trouvent pas les réponses à leur question sur les sites officiels", regrette le président de l'Afif.

Dans la plupart des cas, une fois les dépouilles utilisées par des étudiants de médecine, ces dernières sont incinérées, puis transférées dans un jardin du souvenir ou dans des cimetières dédiés comme celui de Thiais, dans le Val-de-Marne. Ces deux ultimes étapes justifient la non-gratuité appliquée par la plupart des centres aujourd'hui.

Esther Paolini