Charlie Hebdo : réactions après les caricatures de Mahomet

Charlie Hebdo - -
Dans son dernier numéro en kiosque mercredi, le journal satirique Charlie Hebdo publie de nouvelles caricatures de Mahomet. Les dessins ne figurent pas en Une mais en pages intérieures et en dernière page. L'un d'eux représente Mahomet nu dans une parodie du film "Le Mépris".
Par sécurité et compte tenu du contexte actuel particulièrement tendu, un fourgon de CRS a pris position dans la nuit de mardi à mercredi près du bâtiment de sept étages qui abrite la rédaction de Charlie Hebdo, dans l'est de Paris, non loin des anciens locaux de l'hebdomadaire.
La publication des dessins apparaît comme une décision délicate dans le contexte de protestation qui agite le monde musulman, après la diffusion d’un film anti-islam.
« Si on s’autocensure, on change de métier »
« Mahomet est un peu dans l’actu… se justifie Charb, directeur de la publication de Charlie Hebdo. Alors on peut parfaitement passer notre vie à s’autocensurer et à ne pas dessiner le Prophète, à ne pas parler de l’islam, à ne pas parler de religion. Mais à ce moment-là, on ne fait plus Charlie Hebdo, on ne fait plus de la presse et on change de métier. Je comprends que les musulmans puissent être choqués par les dessins de Charlie Hebdo et je comprends très bien qu’ils n’achètent pas le journal afin de ne pas être choqués. Moi, quand je ne veux pas être choqué par les religieux, je ne vais pas dans les lieux de prière… ».
« Ne pas céder à la provocation »
« C’est une insulte, ces dessins sont dégradants, réplique Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman. Ils offensent d’une façon gratuite les musulmans de France. Je lance un appel à ne pas céder à la provocation. Je les exhorte à exprimer leur indignation tout à fait légitime mais dans la sérénité, avec des moyens légaux ».
« Je condamne tout en respectant la liberté d’expression »
« Je suis contre toutes les provocations, c’est clair, c’est net, assure pour sa part le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. Surtout dans une période aussi sensible que celle-là. Je ne vois pas du tout l’utilité d’une provocation et même, je la condamne tout en respectant la liberté d’expression. Il appartient aux tribunaux de dire ce qui est licite et ce qui est illicite. Mais on ne peut estimer en aucun cas que le gouvernement encouragerait cela le moins du monde ».
« Si c’est inconscient, c’est du délire »
Selon Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, « tous les musulmans seront choqués [par les nouvelles caricatures de Charlie Hebdo, NDLR]. Il s’agit-là d’une provocation. Ça n’a pas de sens. Quelle est la logique qui soutient cette publication au moment où le monde musulman est embrasé par un film minable? Ou alors c’est intentionnel pour jeter de l’huile sur le feu, ou alors c’est inconscient et là, c’est du délire. Cela n’aide pas le pays à retrouver son calme en vue d’un effort commun ».
« Charlie Hebdo est dans sa vocation »
« Charlie Hebdo est dans sa vocation de journal satirique, constate Domnique Gerbaud, président de Reporters Sans Frontières. Le film américain est une provocation avec des dialogues rajoutés par rapport au film lui-même. Charlie Hebdo grossit les faits mais ne ment pas à ses lecteurs. C’est le rôle d’un journal humoristique ».
« Liberté d’expression d’accord mais il y a des limites »
Samedi prochain, en France, plusieurs manifestations sont prévues pour protester contre le film anti-islam qui a tout déclenché, à Paris, Marseille, Lille ou Toulouse.
Jenna, une étudiante de 18 ans, elle l'une des organisatrices de la manifestation marseillaise. Elle a diffusé l'appel à manifester sur Facebook et n'a pas demandé d'autorisation à la préfecture pour « créer un effet de surprise ».
Pour elle, les caricatures publiées dans Charlie Hebdo ne respectent pas sa foi. Du coup, « la manifestation fera d’une pierre deux coups, estime-t-elle. Le message est le même que le film. C’est un dénigrement du prophète, de l’islam. Je suis énervée, si tous les manifestants expriment leur colère, j’ai peur des débordements. La liberté d’expression d’accord, mais il y a des limites. Il y a aussi un respect de l’autre. Ce sont des propos racistes. En plus il y a des représentations du prophète dans des situations assez osées. C’est inconcevable ».