Canicule: vers un essor d’un tourisme de fraîcheur?

La plage du Canet-en-Roussillon en août 2017. - RAYMOND ROIG / AFP
Jusqu’à 38° pour Aix-en-Provence ou Avignon jeudi. 36° à Bergerac, Alès ou Périgueux. Ou encore 34° à Gruissan et au Grau-du-Roi. Les touristes partis chercher le soleil pour leurs vacances ont été servi. Trop? Alors que 66 départements étaient placés jeudi à 16h en vigilance orange pour un épisode de canicule, la récurrence de ces vagues de chaleur a de quoi en décourager quelques-uns. On peut toujours passer sa journée à prendre des bains de mer ou sans quitter la piscine. Mais quand la température ne baisse pas non plus franchement la nuit, certains doivent se dire qu’ils y regarderont à deux fois avant de réserver leur prochain séjour dans une fournaise. Au point de profiter à des destinations qui offrent plus de fraîcheur?
"Pour tout vous dire, ici on dort encore avec des petites couettes la nuit", s’amuse François Badjily. Pour le directeur de l’Office du tourisme de l’Alpe-d’Huez, il est encore trop tôt pour vérifier par les chiffres si certains visiteurs se sont rabattus sur sa station pour venir chercher des températures plus supportables. Ce qui est sûr, c’est que quelques habitants de Grenoble (à 60km) ou de Lyon (à 150km), viennent profiter de l’air de la montagne.
"Les gens qui ont des résidences secondaires viennent de façon plus importantes pour des week-ends prolongés, reprend-il. On a même quelques Grenoblois qui montent le soir et retournent travailler le lendemain, en disant qu’au moins comme ça ils dorment".
La fraîcheur, "un argument énorme, mais qu’on manie avec des pincettes"
Si le thermomètre peut monter à l’Alpe-d’Huez jusque 30°, il peut aussi redescendre la nuit entre 12° et 15°.
"Je croise des gens qui me disent que ces différences de température permettent des nuits reposantes, raconte François Badjily. A l’instant T c’est un argument énorme, mais qu’on manie avec des pincettes parce que ça peut vite se retourner contre nous par une sorte d’effet boomerang: il suffirait d’avoir un ou deux étés pas terribles pour que "l’effet fraîcheur" devienne un "effet froid". A la montagne, dès qu’il ne fait pas beau il peut vite faire froid, surtout en altitude".
A l’Alpe-d’Huez, on préfère donc faire soft et "jouer sur le côté bien-être, avec des cours de yoga au bord d’un lac après une randonnée", raconte François Badjily, qui fait également remarquer que "de nombreuses équipes sportives viennent faire leur stage d’entraînement ici, parce que c’est impossible pour eux de s’entraîner dans les vallées".
"On était dans le Périgord la semaine dernière, mais on est revenu parce qu’on dort tellement mieux chez vous"
"On avait déjà vécu le phénomène lors de la canicule de 2003: les gens se redirigent plus facilement vers la montagne", confirme de son côté Franck Grivel, directeur de l’Office du tourisme Grand-Tourmalet-Pic du Midi, dans les Pyrénées. Il ne peut pas non plus mesurer avec précision un report de clientèle sur sa zone "grâce" à la canicule, "parce que beaucoup de gens déclenchent leur séjour à la dernière minute en fonction des conditions météorologiques. Surtout à la montagne, parce que les gens savent qu’ils trouveront toujours de la place". Mais c’est cette clientèle qu’il peut essayer de convaincre grâce à un thermomètre clément: 31° la journée à Bagnères-de-Bigorre, et 19° en soirée.
Selon Franck Grivel, sa station réalise 675.000 nuitées l’hiver et 525.000 l’été. Et les fortes chaleurs dans les destinations traditionnelles pourraient l’aider à faire se croiser les courbes hivernales et estivales.
"Lors de l’accueil de visiteurs, j’ai déjà entendu certains dire "on était dans le Périgord la semaine dernière, mais on est revenu parce qu’on dort tellement mieux chez vous", assure-t-il. Bien entendu, l’effet fraîcheur est recherché. Certains commencent à se désintéresser des destinations qui prônent un tourisme de masse, pour se rediriger vers des vacances actives, avec de la randonnée, du rafting, du trail… Et comme vous ne faites pas du trail par 40°, on se rend plus naturellement sur des destinations de montagne".
"Le climat on doit en faire un atout plutôt qu’un défaut"
Mais grimper en altitude n’est pas la seule solution pour fuir la canicule. Des destinations du littoral tentent également d’en profiter pour attirer les réfracteurs à la chaleur. Dans le Cotentin, Julien Bougon, directeur du pôle touristique territorial de Cherbourg, attend avec impatience les premiers chiffres de fréquentation qui arriveront lundi sur son bureau, mais s’attend d’ores et déjà à "un impact positif sur l’activité touristique".
"Nous sommes une destination particulière: tous les jours on entend parler de nous à la météo, avec des nouvelles plus ou moins bonnes, euphémise-t-il. C’est souvent l’endroit où il faut le plus frais en France. Le climat on doit en faire un atout plutôt qu’un défaut. On se positionne clairement sur une destination non plage-bronzette".
Avec 23° jeudi après-midi, il faisait même presque frisquet dans les rues, loin des chaleurs suffocantes du sud-est. "Lors de la canicule de 2003, on a connu une saison extraordinaire dans le Cotentin, reprend Julien Bougon. C’était la première fois qu’on voyait des gens remonter chez nous pour chercher la fraîcheur. On a l’impression que ça devient de plus en plus régulier, avec des retours de gens qui viennent nous dire qu’ils fuient les grosses chaleurs. Alors évidemment, on ne souhaite pas à ceux qui y sont confrontés que la canicule arrive tous les ans… Mais ici, on est très bien, et vous allez entendre parler de nous de plus en plus fréquemment".