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"Ça fera une belle ruine dans 2.000 ans": dans les Ardennes, un pont à 3 millions d'euros ne mène à rien

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L'ouvrage, construit il y a sept ans dans le cadre d'un projet qui avait pour objectif de relier une autoroute à une nationale, n'a jamais été emprunté par un seul véhicule.

Un inouï gâchis d'argent public. Située à quelques kilomètres de Charleville-Mézières dans le département des Ardennes, la commune de Warcq abrite un édifice devenu depuis sept ans le cauchemar de la municipalité: un pont qui ne mène à rien.

Au milieu des champs se dresse cette infrastructure d'une trentaine de mètres qui, pour l'heure, n'est reliée qu'à deux talus de terre alors que sa réalisation a coûté la bagatelle de trois millions d'euros.

Dans les rues de Warcq, commune qui abrite un peu moins de 1.300 âmes, on préfère prendre la situation avec humour et autodérision. "On ne peut rien en faire. Ou peut-être que dans 20 ou 30 ans les gens se réveilleront et se diront ‘tiens, ce serait bien qu’on fasse une bretelle pour rattraper l’autoroute’", dit Christian à BFMTV.

"Ça fera une belle ruine dans 2.000 ans, comme celle qu’on a trouvé justement au pied du pont", répond pour sa part Régis, qui fait ici référence aux thermes gallo-romains découverts à proximité.

Sur Google StreetView, l'ouvrage est d'ailleurs référencé sous le nom de "pont qui ne mène nulle part." Noté "5 étoiles", il est décrit avec humour comme "une œuvre d'art à 3 millions d'euros. Notre Arc de Triomphe Ardennais".

Le "pont qui ne mène à rien" des Ardennes, indiqué sur une carte
Le "pont qui ne mène à rien" des Ardennes, indiqué sur une carte © Google StreetView

Recours et abandon du projet

Afin de comprendre les tenants de cette situation ubuesque, il convient de remonter à la genèse de projet porté par le conseil départemental, qui avait pour objectif de relier une autoroute à une nationale dans le cadre du contournement de Charleville-Mézières. Il devait éviter que 6.000 voitures et poids lourds traversent quotidiennement Warcq.

Si les travaux ont démarré dès le feu vert du préfet et de la SNCF, des recours, déposés notamment par des associations environnementales, ont depuis gelé le projet devant la justice.

"Quand on fait un projet comme celui qui était prévu, on fait en priorité les ouvrages. Ensuite il y a eu des recours qui ont été faits en justice et on a abandonné le projet", confirme à BFMTV Jean-Luc Flahaut, adjoint au maire en charge des travaux et de la sécurité.

Coûts supplémentaires

Pire, en plus des trois millions injectés, les pouvoirs publics ont également été contraints d'injecter 5.000 euros supplémentaires afin de procéder à des travaux de sécurisation du pont inutile et inutilisable.

Dans les rues de Warcq, le trafic n'a jamais été aussi intense, et là encore, la municipalité a été contrainte à plusieurs aménagements urbains qui ont encore alourdi la facture du contribuable. Dans un article consacré à la situation, TF1 évoque la somme de 400.000 euros pour la mise en sens unique d'une rue warcquine.

"Ça fait 40 ans que j’y habite, j’ai jamais vu ça. Maintenant il y a encore des gros camions qui passent là", conclut Josiane, désabusée, à BFMTV.

Pauline Delevoye et Pierre-Henri Holderbaum avec Hugo Septier