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Accouchement à Orthez: comment une anesthésie peut-elle être fatale?

Un anesthésiste prépare une intervention chirurgicale à Angers, octobre 2013.

Un anesthésiste prépare une intervention chirurgicale à Angers, octobre 2013. - Jean-Sébastien Evrard

La mort lors d'une anesthésie générale est un phénomène très rare et qui survient dans des situations particulièrement difficiles. Pourtant, le risque zéro n'existe pas, comme le rappelle le décès d'une jeune femme lors de son accouchement à Orthez.

Mardi soir, une jeune femme de 28 ans est morte d’un arrêt cardiaque à la maternité d’Orthez, dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle avait subi une anesthésie générale pendant une césarienne. On a appris vendredi que l'anesthésiste qui l'a prise en charge a été placée en détention provisoire. L’anesthésie est aujourd’hui une pratique très sûre. Pourtant elle peut, dans des cas très rares, s’avérer fatale. BFMTV.com vous explique pourquoi.

Quand pratique-t-on une anesthésie pour un accouchement ?

Il faut faire la différence entre analgésie et anesthésie. La première, pour un accouchement, est communément appelée "péridurale". Il s'agit d'endormir une zone du corps, mais la mère reste consciente. D'après le Dr Samuel Leroy, médecin anesthésiste-réanimateur au Centre hospitalier du Belvédère, près de Rouen, 80% des patientes ont recours à l'analgésie en France.

En augmentant la dose, cette péridurale peut-être utilisée pour passer en anesthésie si besoin. Dans certaines situations, l'anesthésie est programmée, ou a lieu en urgence.

Quand a-t-on recours à une anesthésie générale?

On utilise l'anesthésie générale dans des cas précis: "certaines césariennes, un accouchement par forceps, délivrance artificielle, parfois après l'accouchement quand le périnée doit être réparé, dans des cas très rares après un accouchement en siège...", liste le Dr Samuel Leroy, interrogé par BFMTV. En France, un enfant sur cinq naît par césarienne. La plupart du temps, cette opération est réalisée avec une péridurale, l'anesthésie générale ne concernant qu'1% des cas 

On peut utiliser cette technique en cas d'impératifs médicaux, par exemple un risque de coagulation du sang, ou en cas d'urgence. "Si la survie de la mère ou de l'enfant est une question de temps, on ne va pas prendre 10 ou 15 minutes pour passer par la péridurale", justifie Samuel Leroy.

Le médecin anesthésiste, ou l’infirmier anesthésiste, doit rester présent pendant toute la durée de l'opération. La fréquence cardiaque, la pression artérielle, la respiration, l’oxygénation… sont surveillées en continu.

L’anesthésie générale est-elle plus risquée ?

"On préfère éviter, surtout chez la femme enceinte", explique Samuel Leroy. L'anesthésie générale expose en effet la future maman à des risques particuliers, en plus des risques auxquels s'expose tout patient.

Il existe d'abord un risque de complications respiratoires, on parle d'inhalation. C'est le syndrome de Mendelson. "Si l'estomac contient quelque chose, il n'est plus étanche et son contenu peut redescendre dans la trachée ou les bronches et provoquer une infection pulmonaire qui peut être mortelle", détaille le spécialiste. C'est pour cela qu'il faut être à jeun avant une opération, or, une femme enceinte n'est jamais à jeun.

Autre danger: une intubation difficile peut conduire à un arrêt respiratoire. Comme l'explique le médecin-anesthésiste, "l'intubation permet à la personne anesthésiée de respirer avec un tuyau, mais une femme enceinte est plus difficile à intuber car la morphologie de sa gorge est modifiée par les hormones", le risque d'étouffement est donc majoré.

Enfin, un facteur de risque qui n'est pas spécifique à la femme enceinte est l'allergie aux produits injectés pour l'anesthésie, notamment le curare, qui peut engendrer de l'hypertension, un œdème de Quincke ou de la tachycardie .

"On évite au maximum de prendre ces risques, mais en cas de détresse vitale on n'a pas le choix", développe Samuel Leroy, qui précise que "la maternité stresse beaucoup les jeunes internes car cela nécessite une vigilance extrême". Les progrès pour limiter les risques lors d'anesthésies générales sont toutefois spectaculaires et le nombre de décès serait aujourd’hui de un pour 140.000 anesthésies, dont la cause principale reste à 60% l'allergie au curare.

Aurélie Delmas