A partir du 1er janvier, les divorces à l'amiable se feront sans juge

Dès le 1er janvier, il ne sera plus nécessaire de passer au tribunal pour un divorce par consentement mutuel - Patrick Kovarik - AFP
A partir du 1er janvier, il ne sera plus nécessaire de passer au tribunal pour divorcer à l'amiable. Ce "divorce sans juge" se fera en effet sans l'intervention d'un juge aux affaires familiales. Le but de cette réforme, emblématique de la loi "Justice du XXIème siècle", adoptée en octobre, est à la fois de soulager la charge de travail des magistrats, et de déjudiciariser le divorce.
Les divorces par consentement mutuel étant très répandus, cela devrait en effet permettre de désengorger les tribunaux, où seuls les divorces conflictuels passeront désormais. D'après les chiffres de l'INSEE, 123.500 divorces ont été prononcés en 2014, et plus d'un sur deux (54%) était un divorce par consentement mutuel.
"Un contrat parmi d'autres"
Ce changement s'inscrit dans la continuité d'une autre réforme, prise en 2004, qui réduisait de deux à une le nombre d'audiences au tribunal en cas de divorce, déjà dans le but de simplifier cette procédure.
"C'est une réforme qui est dans la logique du système, à partir du moment où le divorce est un contrat parmi d'autres, comme le Pacs", explique Laurent Hincker, avocat au barreau de Strasbourg et spécialiste du droit de la famille.
"Le divorce va se désinstitutionnaliser, il est logique que les gens puissent défaire eux-mêmes ce qu'ils ont fait", poursuit-il Ce type de divorce devient donc un "acte sous signature privée contresigné par avocats" et déposé chez un notaire.
Inquiétudes de certains avocats et d'associations
Contacté par BFMTV.com, l'avocat s'inquiète cependant des conséquences de cette simplification sur la teneur du divorce, et notamment dans le cas où l'un des membres du couple aurait un ascendant sur l'autre, voire dans le cas de violences conjugales qui n'auraient pas été détectées.
"Les juges aux affaires familiales sont des magistrats indépendants, formés, qui ont de bonnes décisions" dans le cas d'un divorce qui s'avère compliqué, souligne-t-il. "Il faut des juges pour juger, estime-t-il, les avocats non spécialisés en droit de la famille ne sont pas assez formés".
L'enfant pourra demander à être entendu par un juge
Pour répondre à ces inquiétudes, partagées par d'autres avocats et par des associations comme le Planning familial ou Osez le féminisme, la réforme prévoit plusieurs mesures. Tout d'abord, elle laisse la possibilité à l'enfant mineur d'un couple en train de divorcer de demander à être entendu par un juge aux affaires familiales.
Les enfants mineurs de ces couples ayant choisi une procédure à l'amiable signeront un court texte, un "formulaire d'information", transmis par les parents, qui rappelle leurs droits aux enfants afin que "leurs sentiments soient pris en compte" dans la procédure, pour ce qui relève notamment des décisions de garde.
Un avocat obligatoire pour chaque conjoint
Cette éventuelle rencontre avec un juge est cependant réservée aux enfants "capables de discernement", comme c'était déjà le cas avant la réforme. Jusqu'ici, en cas de divorce judiciaire, les enfants pouvaient être entendus à la demande du juge, des parents, ou s'ils le réclamaient eux-mêmes.
Autre point visant à assurer les droits des époux eux-mêmes, la loi oblige désormais les deux conjoints à avoir chacun un avocat, contre un par couple auparavant dans le cas d'un tel divorce. "A partir du moment où chacun a un avocat compétent, spécialiste de la matière, chaque époux doit pouvoir être bien conseillé", estime Caroline Mécary, avocate au barreau de Paris et spécialiste également de droit de la famille.
Nouvelle responsabilité pour les avocats
Interrogée par BFMTV.com, elle dit ne pas s'inquiéter de cette réforme, même si elle reconnaît que son but premier "est d'alléger le travail des juges aux affaires familiales et non d'aider les familles qui se séparent". L'obligation d'avoir deux avocats n'entraînera pas forcément de coûts supplémentaires selon elle, puisque certains avocats pourront proposer des tarifs forfaitaires, comme elle le fera elle-même.
"La charge de travail qui pesait sur le juge, ce sont les avocats qui vont l'assumer désormais", pointe-t-elle.
50 euros de frais de notaire
Un avis partagé par sa consoeur Juliette Minot, avocate au barreau de Paris. "La responsabilité de l'avocat va aller en se durcissant", explique-t-elle, contactée elle aussi. Les avocats seront en effet chargés de rédiger la convention de divorce, qui sera envoyée ensuite aux époux. Après un délai de rétractation de 15 jours, elle sera enregistrée chez un notaire, moyennant 50 euros.
"Le juge va se recentrer sur son principal objet, qui est de trancher des litiges. Le problème, c'est que si les divorces sont vite négociés, ça peut conduire à une saisine du juge par la suite", soulève aussi Juliette Minot.
Une lecture mise en avant par l'Union syndicale des magistrats également. Le syndicat majoritaire appelle en effet à être vigilant quant à l'intérêt des enfants mais aussi à un "effet retour", d'un divorce à l'amiable qui aboutirait ensuite à un contentieux.