Les gens du voyage dénoncent un "climat de stigmatisation"

En présence de plusieurs élus, dont le président PS de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur Michel Vauzelle (à gauche), une centaine de gens du voyage se sont rassemblés jeudi au pied du mémorial de Saliers dédié aux victimes tsiganes de la Seconde Guerre - -
par Jean-François Rosnoblet
ARLES, Bouches-du-Rhône (Reuters) - Une centaine de gens du voyage se sont rassemblés jeudi au pied du mémorial dédié aux victimes tsiganes de la Seconde Guerre mondiale pour dénoncer le "climat de stigmatisation" entretenu selon eux par le gouvernement autour de la minorité Rom.
Au coeur de la Camargue, près d'Arles (Bouches-du-Rhône), le lieu est hautement symbolique pour cette communauté qui revendique 500.000 membres en France et dont Nicolas Sarkozy a ordonné le démantèlement des camps illégaux.
Erigé en 2006, le Mémorial marque l'emplacement du camp où furent internés 700 Tsiganes entre juin 1942 et août 1944. Il est le seul monument en France dédié à la mémoire des Tsiganes internés et morts sous l'autorité du régime de Vichy.
"Nous ne sommes plus en guerre et pourtant nous voyons encore en France le visage de la discrimination raciale", a déclaré Yohan Salles, président du Comité des Tsiganes en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
"Nous sommes là, devant ce monument, pour dire qu'aucun homme, fût-il président de la République ou ministre, ne peut désigner un peuple à la vindicte populaire", a-t-il ajouté.
"Nous sommes solidaires de nos frères de l'Est qui vivent aujourd'hui ce que nos aînés ont vécu dans les années 1940."
Aux côtés des gens du voyage, on pouvait voir des hommes politiques ceints de l'écharpe tricolore ou encore des ecclésiastiques, la croix autour du cou.
"Il y a plus de 2.000 ans, le rejet de l'étranger existait, comme avec les Samaritains, et Jésus prenait déjà leur défense. Je suis prêtre catholique et je me sens aujourd'hui concerné par ces actes et par ces paroles difficilement recevables qui visent ces populations", a dit Thierry-François de Vregille, le curé des Saintes-Maries-de-la-mer.
"ON A PEUR"
Dans une ambiance de recueillement rythmée de musique tsigane, l'assistance a repris "Nuit et brouillard", chanson de Jean Ferrat en hommage aux victimes des camps de concentration.
"Quand on commence à séparer les femmes des hommes, qu'on menace ces femmes de leur enlever leurs enfants, qu'on mène une politique de rafles et de délation, cela nous ramène 68 ans en arrière", estime la présidente de l'Association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC), Alice Januel.
Elle craint aujourd'hui que ce climat ne débouche sur des tensions plus importantes autour des communautés Rom et Tsigane.
Selon elle, des inscriptions "Les gitans dehors" ont déjà été relevées à Montpellier et des bouteilles incendiaires ont été jetées au milieu de caravanes de gens du voyage.
"On a peur, le gouvernement est en train de monter le citoyen français contre nous", dit-elle encore. "Le président de la République nous a diabolisés."
Les autorités françaises ont démantelé une centaine de campements illégaux depuis le début du mois d'août, déclenchant une virulente polémique avec l'opposition et suscitant les critiques des institutions religieuses et européennes.
La population tsigane affirme qu'elle en a assez d'être cantonnée dans les zones inondables, aux abords d'une déchetterie, en bordure d'une autoroute ou d'une voie ferrée.
"Nous avons des devoirs, mais aussi des droits que les maires oublient trop souvent", rappelle Yohan Salles. "Nos enfants ont droit à l'accès à la scolarisation, à la santé et au logement. Tout ce qu'on nous refuse encore aujourd'hui."
Édité par Yves Clarisse