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Rides, douleurs articulaires... Les compléments au collagène sont-ils vraiment efficaces?

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Les compléments alimentaires au collagène vantent leur action contre les rides ou les douleurs articulaires. Des spécialistes dénoncent des promesses dénuées de fondement scientifique.

Des boissons, du café, de la poudre, des canettes, du bouillon, du chocolat, des barres protéinées, en gélules, gummies ou sticks... Pour prendre soin de soi et lutter contre les effets du vieillissement cutané, le collagène inonde le marché des compléments alimentaires, boutiques bio et rayons parapharmacies.

L'actrice américaine Jennifer Aniston ne jure que par le collagène dans son café quotidien, l'influenceuse Léna Situations a fait la promotion d'un smoothie au collagène et un café qui propose des boissons au collagène a même récemment ouvert à Paris. En pharmacie et parapharmacie, "le marché a doublé au cours de l'année passée", jusqu'à réaliser un chiffre d'affaires de plus de 45 millions d'euros, indique à BFMTV.com le Syndicat national des compléments alimentaires.

Parmi les promesses de ces produits au collagène: "une diminution de 16% des rides du contour des yeux", "une peau plus souple à 93%", "une baisse de 75% des vergetures récentes" mais aussi une "réduction significative de la douleur articulaire". Avec des messages alléchants: "Gagner dix ans en dix semaines."

"La protéine de base" de notre corps

Le collagène, "c'est la protéine de base de notre corps", explique à BFMTV.com Francis Berenbaum, professeur des universités-praticien hospitalier, directeur d'une équipe de recherche Inserm au Centre de recherche scientifique Saint-Antoine. C'est même la plus abondante de l'organisme humain.

"C’est l'une des briques de nos organes, de notre peau, de nos os. C'est la trame de tous nos tissus, comme le ciment d'une maison."

Sauf qu'avec l'âge, nos cellules perdent en qualité et en quantité de collagène. Celui contenu dans ces compléments alimentaires pourrait-il donc représenter "l'allié anti-âge", comme le vantent plusieurs articles sur le sujet? Rien n'est moins sûr.

Car le terme collagène, employé dans le langage courant, représente en réalité une vaste famille: il existe 28 types de collagènes très différents les uns des autres tant par leur composition que leurs propriétés, précise l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Du collagène, on en trouve déjà dans l'alimentation. La viande, le poisson mais aussi les œufs, les produits laitiers ou les végétaux en contiennent. Mais une fois ingéré, il est transformé. "Toutes les protéines qu'on avale, dont le collagène, sont dégradées et découpées en tout petits morceaux dans l'estomac", détaille Francis Berenbaum, spécialiste des pathologies articulaires associées aux maladies métaboliques et à l'âge. "Elles sont réduites en peptides puis en acides aminés."

Le collagène qu'on avale, que ce soit par l'alimentation classique ou dans un complément alimentaire, n'est donc pas celui que l'on retrouve dans nos tissus.

De multiples promesses

Certains fabricants de compléments alimentaires au collagène - le plus souvent du collagène "marin", c'est-à-dire obtenu à partir de la peau, d'écailles et d'arêtes de poisson - assurent pourtant, à grands renforts de photos avant/après, que "cela revient à ingérer directement le collagène qui viendrait à manquer dans votre organisme", mais aussi que le collagène contenu dans leur produit est "directement assimilable par le corps" ou encore que leur complément a "des effets démontrés sur la stimulation de la production naturelle de collagène".

Des assertions qui n'ont pas de sens scientifique, met en garde Francis Berenbaum. "Ce n'est pas parce qu'on mange du collagène qu'on stimule sa production par l'organisme", commente-t-il. "Quand on mange beaucoup de viande, et donc beaucoup de collagène, on n'a pas davantage de collagène dans le corps", explique l'expert.

Ce que conteste Gabriel Braun, fondateur et président de Nutri&co qui propose des compléments alimentaires au collagène. Lui vante la taille des peptides de collagène: ceux qu'ils proposent seraient si petits - "des hydrolysats de 2000 Daltons en moyenne, dont une fraction de 10% à 300 Daltons" (une unité de masse atomique, NDLR) - qu'ils seraient absorbés.

"Les biopeptides (les collagènes de synthèse, NDLR) jouent en plus un rôle de messager capables d'activer les cellules qui fabriquent certains types de protéines", et donc de collagène, ajoute-t-il pour BFMTV.com.

Pourtant, l'Inserm est catégorique: "Les données scientifiques actuelles, limitées et souvent contradictoires, ne permettent pas de soutenir les affirmations relatives aux bienfaits du collagène sur la santé de la peau ou la qualité des cheveux."

Des "études" très contestables

François Turmel, président du Syndicat national des médecins esthétiques, n'est lui non plus pas convaincu. "Je vois bien qu'il y a un intérêt autour du collagène mais l'efficacité de ces produits n'est pas extraordinaire, on ne peut pas dire que ce soit redoutable", refroidit-il pour BFMTV.com.

"Une peau plus élastique? Plus hydratée? C'est très subjectif. En revanche, ce qui est certain pour avoir le moins de rides possibles, c'est éviter le soleil, le tabac et avoir un mode de vie sain."

L'institut de recherche appelle également à la mesure: "Les résultats 'prometteurs' doivent être interprétés avec prudence, d'autant qu'ils sont souvent utilisés comme arguments marketing pour vendre ces produits." Car ces études souffrent souvent de problèmes de méthodologie: nombre de patients insuffisant, essai clinique non randomisé, pas de groupe placebo ni de double aveugle, étude non publiée ou encore mauvaise exploitation des données statistiques.

Nous avons transmis à Francis Berenbaum six documents en anglais présentés par un fabricant de produits au collagène comme des études scientifiques censées prouver l'efficacité du produit. Parmi ces documents, deux représentent des diagrammes qui ne citent aucune source. "Ce sont des publicités", balaie le chercheur. Un troisième cite une étude qui n'a pas été publiée. Un quatrième présente une étude sur l'effet anti-inflammatoire du produit mais a été menée sur la souris et in vitro. "Cela n'a aucune valeur pour le patient humain", balaie-t-il.

Sans compter que deux de ces études ont été publiées dans une revue "prédatrice", "une revue dans laquelle on peut publier n'importe quoi", explique le spécialiste. "Il n'y a pas de relecture. Si j'étais eux, je ne m'en vanterai pas."

Un effet placebo?

Pas d'étude fiable pour attester l'efficacité du collagène? Parmi les promoteurs du collagène, rares sont ceux à émettre quelques réserves. Un influenceur sport et alimentation - suivi par près d'un million d'abonnés sur Tiktok - qui vante l'un de ces produits reconnaît pourtant dans l'une de ses vidéos le "biais" de ces études - souvent réalisées par les fabricants - mais ajoute: "Avec tous les retours qu'on a eus et les centaines de messages de personnes qui m'ont dit que ça a changé leur vie, pour moi, ça valide les études."

Pour Gabriel Braun, fondateur et président de Nutri&co, "le juge de paix, c'est la quantité d'études cliniques" sur le collagène. "Il y a un vrai engouement scientifique sur le sujet", s’enthousiasme-t-il.

"Je n'ai aucun doute sur le fait que le collagène ait un véritable effet sur la profondeur des rides, l'élasticité et l'hydratation de la peau", assure-t-il, également convaincu des effets positifs du collagène sur les douleurs articulaires "à condition que le collagène soit pris de manière préventive".

Car au-delà des effets pour la peau, le collagène est aussi présenté par certains fabricants comme une solution contre les douleurs articulaires. Nombre de ces compléments alimentaires annoncent ainsi: "réduit significativement la douleur articulaire", "améliore la mobilité articulaire", "protège et soutient le cartilage". Des résultats "scientifiquement prouvés". Un autre vante: "-37% de douleurs articulaires" - chiffres obtenus grâce à une étude "menée sur un panel de 100 clients".

"Une réduction de 37%, c'est à peu près le chiffre auquel on s'attend avec un placebo", compare Francis Berenbaum, chef du service de rhumatologie de l'hôpital Saint-Antoine à Paris (AP-HP).

"Aucune preuve d'efficacité"

L'ingestion d'un placebo - un médicament ne contenant aucun principe actif ou un traitement qui n'a aucune action sur le trouble qu'il vise à soulager - peut en effet déclencher des modifications de l'activité cérébrale et conduire à produire des molécules favorables au bien-être, comme des endorphines ou de la dopamine, explique l'Inserm. "Contre toute attente, les placebos apportent un bénéfice significatif dans bon nombre de situations, en particulier dans la prise en charge de douleurs."

"Le procédé d'hydrolysation enzymatique de notre collagène associé à de la vitamine C, de l'acide hyaluronique et du zinc permet de le rendre assimilable", assure pourtant l'une des fondatrices d'Ecume, une marque de sticks de collagène en poudre. Ce que conteste Francis Berenbaum. "Du collagène qui résiste à la dégradation? Ça reste à prouver. Et rien ne garantit qu'il réduise effectivement les rides ou les douleurs articulaires comme le produit l'annonce."

L'association de consommateurs UFC-Que choisir dénonce pour sa part le "vernis scientifique" de ces produits. "Les vendeurs ne lésinent devant aucun détournement du langage scientifique", écrit-elle. "Poids moléculaire inférieur à 2.000 daltons", "hydrolysation"...

"Tous ces termes existent mais ne signifient pas grand-chose pour le commun des mortels ou sont vides de sens", commente l'organisme.

Pour Francis Berenbaum, de l'Inserm, "le seul juge de paix, c'est l'essai clinique", à condition qu'il soit réalisé en bonne et due forme. Et pour l'heure, "aucun n'a encore prouvé l'efficacité de ces collagènes". L'Anses rappelle pour sa part que pour la plupart d'entre nous, à l'exception de la vitamine D, "la consommation de compléments alimentaires n'est pas nécessaire".

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV