Quinquas, bac+2, à tendance complotiste: le profil des "anti-masques" en France dressé par un chercheur

Photo d'illustration. - GUILLAUME SOUVANT
En France, la pandémie en cours est bien plutôt objet de préoccupations que de risées. Notre nouveau sondage "L'opinion en direct", piloté par l'institut Elabe et publié ce mercredi, montre ainsi que 74% des Français sont inquiets devant la diffusion du coronavirus sur le territoire, et 95% se font forts de respecter les gestes barrières.
Cette large majorité ne vaut pas consensus cependant. Ainsi, tandis que 17.000 Allemands défilaient le 1er août à Berlin pour dire leur scepticisme, que des Américains militent de manière plus ou moins véhémente contre les mesures anti-Covid-19, de nombreux Français rejettent le port du masque. C'est avant tout via les réseaux sociaux qu'ils échangent et se manifestent, à travers des groupes Facebook comme "antimasque obligatoire" qui rassemblait 8300 personnes mercredi soir.
Antoine Bristielle, professeur agrégé en sciences sociales et chercheur affilié à l'institut d'études politiques de Grenoble, a voulu mieux connaître ce segment de la population. Il a soumis à plus de 800 internautes émargeant dans ces groupes Facebook un questionnaire explorant leurs état-civil, profession, milieu, convictions. Sa démarche fait ressortir quelques grandes lignes qui n'empêchent ni la complexité ni les nuances, mais permettent d'établir un portrait-robot des anti-masques en France.
· Une majorité de femmes
Dans une interview parue mercredi sur France Info, Antoine Bristielle rappelle qu'en moyenne les opposants au port du masque ont une cinquantaine d'années. 63% des personnes qu'il a interrogées étaient par ailleurs des femmes, et son panel comptait 36% de cadres, le double de la proportion nationale.
Le niveau d'études général est donc au diapason de cette dernière donnée: les adversaires du cache sur la bouche et le nez qui ont rempli le formulaire du chercheur pouvent, en moyenne, se prévaloir d'un bac+2.
· Partisans du professeur Raoult
Dans une tribune publié mardi sur le site du Monde, Antoine Bristielle note des similarités prononcées entre les anti-masques et les partisans du professeur Raoult au printemps. "Plus de 80 % d’entre eux en ont une bonne opinion", écrit-il, avant d'ajouter: "D’ailleurs, ils ne sont pas moins de 95% à estimer qu’une personne contaminée par le Covid-19 devrait être libre de décider si elle veut ou non être traitée à l’hydroxychloroquine".
On touche ainsi à la grande diversité de ces citoyens rétifs à arborer la "muselière", selon un terme récurrent dans les discussions d'"antis". Certains émettent leur opinion sans remettre en cause la réalité du coronavirus, tandis que d'autres la nient purement et simplement, habillant leur hostilité d'un discours complotiste.
· Adeptes des théories du complot
"L’adhésion aux différentes théories du complot en est un trait caractéristique", a assuré le chercheur. Il pose en effet par exemple que 52% de ses sondés croient en l'existence d'un "complot sioniste", et ils sont 90% à s'accorder sur le fait que le ministère de la Santé serait en cheville avec l'industrie pharmaceutique pour glisser sous le tapis une hypothétique nocivité des vaccins.
Ce réflexe anti-vaccin semble communément partagé dans cet ensemble: 94% des personnes ayant répondu à Antoine Bristielle n'entendent pas se faire inoculer le vaccin contre le coronavirus même lorsqu'il aura été élaboré.
Comme l'expliquait mercredi soir notre chronique C.Q.F.D., certains font en outre courir le bruit que le masque est néfaste en lui-même, en privant son porteur d'oxygène et l'exposant à une intoxication au dioxyde de carbone.
· Défiants vis-à-vis des institutions
Le trait commun paraît être la défiance vis-à-vis des institutions, qu'elles soient politiques, médiatiques ou scientifiques. "Par exemple, il y a seulement 6% de ces anti-masques qui déclarent avoir confiance dans l'institution présidentielle, 2% ont confiance dans les partis politiques, 10% dans les syndicats", affirme Antoine Bristielle auprès de France Info. Ils sont aussi 42% parmi les interlocuteurs de l'universitaire à ne pas avoir formulé de vote au premier tour de la présidentielle de 2017, qu'ils se soient abstenus ou qu'ils aient voté blanc ou nul.
Le Monde avance un autre chiffre: 92% des indvidus pris en compte par ces travaux jugent que le gouvernement s'intéresse de trop près à leur vie quotidienne. Un vent de libertarianisme, aux airs américains, souffle en effet sur ces parages: 57% d'entre eux estiment que chacun devrait être libre de choisir son propre comportement face à la menace sanitaire.
