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"On a la sensation de perdre son temps": l'interminable attente des résultats des tests PCR

Une femme passe un test PCR pour savoir si elle a le coronavirus, dans un laboratoire médical de Paris, le 4 septembre 2020

Une femme passe un test PCR pour savoir si elle a le coronavirus, dans un laboratoire médical de Paris, le 4 septembre 2020 - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Les témoignages pointant l'engorgement des laboratoires affluent. Certaines personnes ont attendu plus de quinze jours pour avoir un résultat.

À mesure que les files s'allongent sur les trottoirs, les délais d'attente des résultats des tests PCR augmentent sensiblement, particulièrement dans la capitale et les grandes métropoles françaises.

Si la France a plus que doublé sa capacité de tests de détection du coronavirus depuis mars, dépassant désormais le million de prélèvements hebdomadaires, les laboratoires peinent à suivre le rythme en cette rentrée, qui coïncide avec une nouvelle montée en puissance de l'épidémie.

Éric, un Parisien de 51 ans, a dû attendre 17 jours pour apprendre qu'il était négatif au Covid-19. Pour le communicant, la nécessité de se faire dépister s'est fait ressentir le 30 août. Ce dimanche-là, il ressent des symptômes susceptibles de s'apparenter à une infection au virus.

"J'ai eu un peu de fièvre, mal à la gorge. J'ai appelé un médecin en téléconsultation, qui m'a invité à m'inscrire dans un labo pour un test PCR", raconte-t-il à BFMTV.com.

La prise de rendez-vous ne fonctionne pas, Éric se résoud à aller physiquement dans un laboratoire. Il se rend dans un premier site, vers la place de la République, y attend une demi-heure, jusqu'à ce qu'on lui signifie qu'il n'y avait plus de tests. Le quinquagénaire se rend alors sous un barnum déployé devant l'Hôtel de Ville, prend son mal en patience pendant 1h45 puis parvient à se faire prélever.

"On m'avait annoncé 72 heures"

"On m'avait annoncé 72 heures (pour le résultat, NDLR) car il y avait un engorgement à Paris. Je m'y attendais, j'ai pu prendre mes dispositions", explique-t-il, estimant qu'il s'agissait là d'un délai raisonnable quant à ses impératifs et son activité professionnelle.

Trois jours plus tard, il est toujours sans nouvelles, et ses symptômes ont disparu. "Je suis retourné à Hôtel de Ville car je n'avais aucun moyen de contacter (le laboratoire)". Sur place, on pointe à nouveau l'engorgement, puis l'on évoque une machine cassée. On lui prédit des résultats pour le lendemain ou le lundi suivant, le 7 septembre. Le lundi, rien à l'horizon. À défaut, Éric a pris son mal en patience en restant confiné dix jours après la disparition des symptômes.

Ce n'est que mercredi 16 septembre, après avoir posté un tweet dans lequel il manifestait son agacement, que le hasard a fait qu'Éric a reçu ses résultats. 17 jours après le prélèvement. Il est indiqué que l'analyse a été faite le 11 septembre. Le prélèvement, lui, remonte au 31 août. "Le résultat que j'ai eu, je n'y accorde aucun crédit", lâche Éric.

Une opération annulée, faute de résultats

Contrairement à Éric, Alexandra Alévêque n'a pas atteint les 17 jours, mais à l'heure à laquelle nous écrivons ces lignes, elle attendait encore, dix jours après son prélèvement. La journaliste s'est fait tester le 8 septembre, après avoir attendu 2h40 dans la file d'un laboratoire du IXe arrondissement de Paris.

"J'avais une ordonnance pré-opératoire pour une petite intervention. On m'avait dit que j'aurai mes résultats le vendredi ou lundi suivant", se remémore-t-elle.

Vendredi passe, puis arrive lundi, jour de son opération. Alexandra Alevêque se rend au labo:

"On m'a juste dit qu'il n'y avait pas les résultats."

Elle y rencontre une dame, qui s'était fait tester le 27 août et qui n'avait pas encore de réponse. On a pu lui fournir l'issue du test sur des documents papiers. L'opération d'Alexandra Alévêque, prévue le jour-même, a quant à elle dû être reportée sine die.

L'opération n'était pas urgente, pointe-t-elle. "Je l'avais calée là parce que j'avais du temps. Il n'y a pas mort d'homme, mais on a la sensation de perdre son temps", souffle-t-elle, légèrement désabusée, tout en se réjouissant de ne pas avoir eu de symptômes: "J'ai plein de copains qui ont un peu mal à la gorge et qui ne savent pas quoi faire."

"On a une semaine de retard dans les tests. On peut considérer qu'un résultat au bout d'une semaine n'a plus d'intérêt", déplorait mercredi soir sur BFMTV le Dr. Jean-Claude Azoulay, président de l'Union régionale des biologistes d'Île-de-France.

Sur le site du ministère de la Santé, on évoque toujours une moyenne de 36 heures pour obtenir les résultats d'un test PCR. Début septembre, Olivier Véran nous assurait que l'accès aux résultats s'améliorerait sous "deux à trois semaines". Ce qui ne semble manifestement pas être le cas.

"On ne va pas faire payer à l'ensemble des Français le fait qu'on n'est pas bons sur les tests!" aurait tancé Emmanuel Macron lors du Conseil de défense du vendredi 11 septembre, selon Le Monde.

"Un million de tests par semaine, c'est bien beau, mais si les résultats arrivent trop tard, ça ne sert à rien", aurait également lâché le chef de l'État à cette même occasion, d'après des propos rapportés au Figaro.

Manque de ressources humaines? De réactifs? De lieux pour se faire prélever? Pour François Blanchecotte, le président du Syndicat national des biologistes, il faut débloquer des moyens supplémentaires:

"On n'a que 4000 sites qui peuvent accueillir les patients. La solution, c'est de multiplier les sites, multiplier les préleveurs (...) Il faut ouvrir d'autres centres", a-t-il plaidé.

Le 11 septembre, le Premier ministre Jean Castex a annoncé la mise en place d'une "priorisation" des personnes ayant vocation à se faire tester. Priorité doit désormais être donnée aux individus présentant des symptômes du Covid-19, ceux qui ont "été en contact rapproché avec une personne positive", les membres du personnel soignant et les personnes "travaillant à l'hôpital, dans un Ehpad ou à domicile", en contact avec des personnes âgées.

"On n'a jamais autant testé"

"Il y a un afflux très important de patients", pointe auprès de BFMTV.com Arthur Clément, médecin biologiste et membre du Syndicat des jeunes biologistes. Toutefois, assure-t-il, "les patients jugés prioritaires n'ont jamais de délais comparables" à ceux connus par Éric et Alexandra.

Pour le médecin, cet allongement des délais est avant tout dû au regain de l'épidémie, mais aussi à des facteurs matériels. Il souligne la demande mondiale de machines et de réactifs nécessaires aux tests.

"J'ai commandé un automate en juillet, on m'avait dit que je serai livré en octobre. Fin août, on m'a finalement dit avril 2021", assure le docteur, qui constate une forte tension sur l'approvisionnement en réactifs également.

"On a des équipes qui sont très sollicitées depuis la mi-mars, très fatiguées, très anxieuses", poursuit-il, évoquant parfois la nécessité de gérer l'agressivité de certains patients. Et malgré les délais parfois constatés, "on n'a jamais autant testé", répète Arthur Clément.

Clarisse Martin Journaliste BFMTV