#Metoo hôpital: Karine Lacombe salue "une réelle prise de conscience" et appelle à "accélérer le processus"

L'infectiologue Karine Lacombe à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris, le 10 novembre 2020 - Anne-Christine POUJOULAT / AFP
L'infectiologue Karine Lacombe avait témoigné il y a un an des violences sexistes et sexuelles subies lors de sa carrière dans le milieu hospitalier. Ce jeudi 17 avril, la cheffe du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Saint-Antoine à Paris revient auprès du Quotidien du médecin sur les effets du #Metoo du monde médical.
"J’ai constaté une réelle prise de conscience, avec des initiatives concrètes de la part des autorités, des enquêtes menées par des internes et une mobilisation de l’Ordre des médecins", assure-t-elle.
"Les jeunes se sont emparés du problème et osent enfin déplorer que ce qui existait il y a vingt ou trente ans persiste aujourd'hui", ajoute l'infectiologue. "À l'époque, on minimisait souvent ces violences. Mais aujourd'hui, les jeunes refusent de les tolérer et envisagent de quitter la carrière hospitalière ou académique pour ne plus les subir. Beaucoup de femmes sont d'ailleurs déjà parties de l'hôpital à cause de ça."
De nombreux témoignages
En avril 2024, des révélations de Karine Lacombe ont suscité de nombreux témoignages, sur les réseaux sociaux et auprès d'associations professionnelles et étudiantes, sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la santé. Karine Lacombe avait notamment accusé l'urgentiste Patrick Pelloux de harcèlement sexuel, des faits qu'il rejette.
Elle n'a toutefois pas porté plainte contre lui, ce qu'elle explique dans le Quotidien du médecin: "pour moi, l'important n'était pas de nommer des individus mais de dénoncer le harcèlement moral et sexuel à l'hôpital, en illustrant des faits concrets". "Ce qui comptait, c'était de montrer les dysfonctionnements liés à la place des femmes à l'hôpital", ajoute-t-elle.
Fin novembre 2024, l'Ordre des médecins a publié une enquête sur les violences sexuelles et sexistes commises par des médecins, aux résultats qualifiés de "très inquiétants".
Selon ce sondage réalisé auprès de 21.140 médecins, 54% d'entre eux ont eu connaissance de violences sexuelles ou sexistes commises par un autre médecin, quelle que soit la victime, entre patient, professionnel de santé ou autre personne. Et 49% des femmes médecins interrogées déclarent avoir été elles-mêmes victimes de violence sexiste ou sexuelle de la part d'un autre médecin.
La moitié des infirmières déclarent en outre avoir été victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le cadre de leur exercice, l'auteur pouvant être un patient, un soignant, un visiteur ou un supérieur, selon une enquête de l'Ordre des infirmiers publiée en décembre 2024.
Une prise en charge à améliorer
La prise en charge de ces violences par les directions hospitalières a évolué, mais reste à améliorer, selon Karine Lacombe. Elle pointe notamment "les solutions proposées" qui sont "souvent stigmatisantes, car on demande fréquemment aux victimes de changer de service alors que l'agresseur, lui, reste souvent en poste".
"Il y a des cas où, face à des faits concordants, l'agresseur peut être écarté temporairement. Cependant, il est fréquent que les chefs de service mis en cause soient placés en arrêt maladie, ce qui fait supporter les coûts par la Sécurité sociale et donc par la collectivité, ce qui pose question", estime l'infectiologue. Plus largement, elle appelle l'Etat à "accélérer le processus, en particulier au niveau judiciaire, où le traitement des plaintes judiciaires est beaucoup trop lent".
Mi-janvier, le nouveau ministre de la Santé Yannick Neuder a annoncé un plan global contre ces violences dont la création d'un observatoire des violences sexistes et sexuelles au sein du secteur de la santé.