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Santé

Les Français passent trop souvent sur le billard selon la Sécurité sociale

Les opérations "ponctuelles" coûtent chaque année 30 milliards d'euros à la Sécurité sociale.

Les opérations "ponctuelles" coûtent chaque année 30 milliards d'euros à la Sécurité sociale. - -

Selon un rapport de la CNAM, les médecins français ont trop tendance à prescrire des opérations là où elles pourraient être évitées. « Simple vue de l’esprit » estiment certains professionnels, alors que pour d’autres, il y a « potentiellement des économies énormes à faire »

Elles sont de plus en plus nombreuses, coûtent de plus en plus cher et, pourtant, seraient de moins en moins nécessaires : les opérations légères sont dans le viseur de la Caisse nationale d’assurance maladie. La CNAM révèle en effet dans un rapport rendu ce jour que les hospitalisations dites « ponctuelles » (qui ne sont pas liées à des pathologies lourdes ou chroniques) auraient engendré 29,9 milliards d'euros de dépenses en 2011 pour le régime général de l'assurance maladie, soit 21% d’un total de 146 milliards. Ces petits séjours hospitaliers ont augmenté de 24% par rapport à 2010 et concerné 7,3 millions de personnes pour un coût moyen de 3 500 €.

Opération de la cataracte : une addition 25% plus lourde que chez nos voisins

Des économies pourraient pourtant être trouvées pour réduire le coût des opérations. L'opération de la cataracte par exemple, l'opération la plus pratiquée en France avec un demi-million d'interventions en 2011, peut facilement être pratiquée en ambulatoire, mais les chirurgiens ont encore tendance à hospitaliser les patients. Résultat, l'addition est 25% plus lourde chez nous que chez nos voisins européens. Les praticiens français auraient aussi trop souvent recours au bistouri pour la thyroïde par exemple, une intervention pas toujours justifiée selon l'assurance maladie. Le rapport préconise donc d'évaluer la pertinence et l'intérêt de ces hospitalisations ponctuelles.

« D'énormes différences entre les régions »

« Il y a effectivement des interventions chirurgicales inutiles en France, et c’est vrai qu’il y a potentiellement des économies énormes à faire », estime Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France. « Pour certains actes, il y a des différences entre les départements, les régions, qui sont énormes et qu’on ne peut pas s’expliquer. Il n’y a pas de raisons qu’on opère plus de la cataracte dans une région que dans une autre, il faut absolument éviter les choses inutiles ».

« La pression médicolégale est très importante »

Pourtant, considère Xavier Gouyou-Beauchamps, secrétaire général du principal syndicat des chirurgiens libéraux le Bloc, ces abus s’expliquent et ne sont pas forcément la faute des médecins. « La pression médicolégale est très importante sur les choix thérapeutiques. On accuse souvent les cliniques de faire un nombre excessif de césarienne, mais il y a quelque chose de très net : on ne pardonnera pas une complication obstétricale s’il y a eu accouchement par voix basse. Par contre, une césarienne qui a son lot de complications propre, on admet bien ces complications. On a donc des obstétriciens qui sont conduits à faire assez facilement des césariennes, car c’est la solution la plus sure pour l’enfant et la plus sure sur le plan médicolégal, c’est-à-dire sur les éventuels procès qui peuvent suivre ».

« Les activités chirurgicales sont de plus en plus encadrées »

Pour François Boudinet, chirurgien digestif à Besançon, la question ne se pose même pas, car ces abus n’existent pas. « Les activités chirurgicales sont de plus en plus encadrées par des procédures d’accréditation, des démarches. Nous avons des consignes sur l’ambulatoire, des indicateurs très suivis », rappelle le médecin. « Les chirurgiens ayant de plus en plus de travail à opérer des vrais malades, ils ont autre chose à faire qu’à opérer des faux. Je crois que c’est une vue de l’esprit de la sécurité sociale ».

Mathias Chaillot avec Marine Loyen