Le gouvernement en passe d'autoriser à nouveau les néonicotinoïdes, insecticides tueurs d'abeilles
A l'origine, il y a des pucerons verts qui donnent la jaunisse aux betteraves, des agriculteurs aux abois, et un gouvernement qui s'inquiète fébrilement pour la filière sucrière. A l'arrivée, certains escomptent le sauvetage ou la consolidation du sucre français... D'autres angoissent devant la possibilité d'une hécatombe d'abeilles, grandes actrices de la pollinisation.
La feuille de route du gouvernement
Jeudi, le gouvernement a annoncé le lancement d'un plan d'aide à l'attention des betteraviers qui redoutent des pertes de rendement de 30 à 50% de leur production selon les chiffres avancés par le communiqué du ministère de l'Agriculture. Cette feuille de route prévoit des indemnisations, un effort en direction de la recherche mais surtout une "modification législative à l'automne" en vue de la campagne 2021 et "le cas échéant" des deux suivantes regardant le statut des insecticides néonicotinoïdes.
Autorisés à compter du début des années 1990, comme le rappelle ici l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ceux-ci étaient interdits depuis l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2018, d'une loi de 2016. L'idée du gouvernement est donc de permettre d'enrober les semences de betteraves par l'insecticide. La pulvérisation resterait, quant à elle, interdite.
Dans le communiqué du ministère de l'Agriculture, celui-ci assure craindre un "abandon massif" du secteur par les agriculteurs confrontés à ces pucerons, soulignant le leadership du sucre français en Europe: "La France est le premier producteur de sucre européen." Et cette production représente "46.000 emplois, dont 25.000 agriculteurs et 21 sucreries". L'assouplissement de la législation autour des néonicotinoïdes, ou plus exactement la dérogation vis-à-vis de leur interdiction, était réclamée par le syndicat CGB, Confédération générale des planteurs de betteraves.
Tueur d'abeille et plus encore
La nocivité des néonicotinoïdes pour la biodiversité est pourtant bien connue. Cette classe d'insecticides est même qualifiée de "tueuse d'abeilles". En 2016, au moment où la prohibition de ces produits se profilait, Le Monde avait expliqué la teneur et les effets de ceux-ci. Les néonicotinoïdes désignent en fait sept molécules, qui, cumulées, forment 40% du marché mondial des insecticides agricoles.
Via la technique de l'enrobage de la graine, le néonicotinoïde se diffuse dans l'ensemble de la plante, des racines à la feuille et même au pollen. Le gouvernement, qui clame dans le communiqué que "les alternatives techniques aujourd'hui disponibles se sont révélées inefficaces" pour protéger les cultures de betteraves, affirme également que la floraison des betteraves ne se produisant qu'à l'heure de la récolte, l'impact sur les pollinisateurs ne pourrait qu'être limité. Mais le quotidien du soir pose que plus de 90% des doses glissent dans les sols et les plantes environnantes, maintenant un potentiel de contamination pour les années postérieures.
Les néonicotinoïdes ne font pas que tuer les abeilles, ils détraquent aussi le sens de l'orientation des survivantes, brouillant pour elles le chemin du retour vers la ruche - source de déséquilibre pour celle-ci -, amoindrit leur capacité à apprendre, ou à se reproduire. Les bourdons semblent particulièrement vulnérables sur ce dernier chapitre.
Les organismes écologistes sont bien sûr vent debout contre l'initiative gouvernementale. Sur Twitter, Greenpeace a ainsi dénoncé: "C’est un premier échec pour Barbara Pompili, et une terrible nouvelle pour l’environnement."
