BFMTV
Santé

"Haut risque pédiatrique": les craintes du Conseil scientifique à l'approche de la rentrée scolaire

Photo d'illustration

Photo d'illustration - Lionel BONAVENTURE © 2019 AFP

Variant Delta, couverture vaccinale moindre voire inexistante chez les plus jeunes, protocole sanitaire décrié... Plusieurs membres du Conseil scientifique alertent sur la rentrée des classes à venir alors que la quatrième vague se fait toujours sentir.

Nouvelle rentrée challenge. Les écoles rouvrent dans très exactement dix jours et à l'issue d'un été marqué par la quatrième vague de l'épidémie de Covid-19. Si un plateau haut se dessine au niveau des contaminations, le retour des familles et des enfants dans les salles de classe font craindre une résurgence de cas chez les plus jeunes.

"La situation la plus complexe qui nous attend cet automne"

Si le gouvernement, par l'intermédiaire de Jean-Michel Blanquer, a récemment dévoilé le protocole sanitaire pour limiter autant que possible la circulation du virus sur les bancs de l'école, la communauté scientifique ne cache plus ses craintes face à un Covid-19 porté désormais par le variant Delta.

"L'école est la situation la plus complexe qui nous attend cet automne", affirme ce lundi matin Arnaud Fontanet chez nos confrères de France Inter. L'épidémiologiste et membre du Conseil scientifique indique que les dernières modélisations émises par l'Institut Pasteur "ont montré que la moitié des nouvelles infections auront lieu chez les enfants à partir de l'automne puisque c'est la population non-vaccinée."

Avis partagé par son confrère Bruno Lina. Le professeur de virologie aux Hospices civils de Lyon évoque les taux de vaccination "pas suffisamment élevés" voire quasiinexistants pour les plus jeunes tranches d'âge et qui "a un impact mais n'empêche pas le virus de se diffuser" dans les écoles.

"C'est un espace où le virus peut circuler", poursuit le membre du Conseil scientifique sur France Inter, "il y a une certaine pression sur la rentrée scolaire".

Seulement un tiers des 12-17 ans complètement vaccinés

Selon les dernières données de Santé Publique France, seuls 56,2% des 12-17 ans ont reçu une dose de vaccin et 32,4% de cette tranche d'âge présentent un schéma vaccinal complet au 19 août dernier. Une couverture vaccinale bien moindre que les autres tranches d'âge éligibles au sérum. La vaccination est ouverte à tous les Français, du moins ceux âgés de plus de 12 ans. Quid alors des plus petits?

"On peut craindre que ce soit une rentrée d'épidémie pédiatrique", déclare Lila Bouadma ce lundi matin au micro d'Apolline de Malherbe sur RMC. La réanimatrice à l'hôpital Bichat et également membre du Conseil scientifique redoute ce "moment crucial" où les brassages de populations s'effectuent avec le retour à l'école d'enfants "qui ne sont pas vaccinés car on n'a pas d'études, tout ça peut faire un mélange explosif".

Arnaud Fontanet le conçoit, "personne n'a de recette miracle pour empêcher et freiner complètement la circulation du virus dans les écoles."

Un protocole sanitaire qui divise

Jean-Michel Blanquer a pourtant dévoilé la sienne, ou du moins le protocole dit de niveau 2 qui s'appliquera à compter du 2 septembre dans les écoles de France métropolitaine. Celui-ci prévoit notamment le port du masque en intérieur mais pas en extérieur ainsi que des cours en distanciel lors de la détection d'un cas sauf dans le secondaire où les vaccinés pourront continuer de suivre leurs cours en présentiel, à la différence des non-vaccinés.

Preuve de l'importance du vaccin pour cette tranche d'âge et ce, même si le ministre a indiqué que le pass sanitaire ne sera pas requis dans les établissements scolaires. Un dispositif qui est toutefois loin de faire l'unanimité chez les enseignants ou les parents d'élèves.

"Il est extrêmement important que nous ayons une concertation multipartite avec le ministère de l'Éducation, le ministère de la Santé les syndicats des enseignants, les associations de parents d'élèves", avance Arnaud Fontanet qui souhaiterait également y inclure des représentants de Santé Publique France et des pédiatres.

Si les moyens mobilisés font débat, la finalité souhaitée est la même pour tous: que le virus ne circule pas ou du moins "à petite vitesse" dans les écoles.

"Si le virus circule très vite, que les adultes ne sont pas complètement vaccinés, cela va atteindre beaucoup d'enfants et en valeur absolue beaucoup d'enfants dans nos hôpitaux. Et on n'est pas préparés à ça parce que la pédiatrie, comme la réanimation, sont des services extrêmement spécialisés", alerte Lila Bouadma, "si on se vaccine on les protège de la contamination à très grande échelle."

La nécessité de dépistages réguliers

À la vaccination des adultes et des mineurs les plus âgés doit s'ajouter un ensemble de mesures sanitaires que les Français connaissent déjà bien. Ainsi Arnaud Fontanet plaide pour le respect des gestes barrières, l'importance du port du masque mais aussi de l'aération des locaux qui peut passer par "peut-être les purificateurs d'air dans les endroits où la ventilation n'est pas possible [...] il faut aller dans cette direction."

Enfin Bruno Lina avance la nécessité de continuer de faire des prélèvements réguliers chez les enfants. Des tests qui doivent toutefois connaître une certaine "acceptabilité" chez les plus petits et qui doivent donc être le plus souvent des prélèvements salivaires testés par PCR, moins invasifs. Un suivi de l'épidémie qui requiert donc une adhésion suffisante pour isoler le plus rapidement les élèves contaminés tout en permettant d'éviter la fermeture des classes.

Un renforcement de la stratégie de dépistage avant une ouverture de la vaccination pour les moins de douze ans? Les laboratoires Pfizer/BioNTech et Moderna ont annoncé il y a plusieurs mois déjà avoir débuté des essais cliniques pour déterminer l’efficacité et la non-dangerosité de leurs formules chez les plus jeunes enfants.

"Le vaccin, s'il arrive chez les 5-12 ans, ce ne sera qu'en 2022 et c'est pour ça qu'on a vraiment besoin de s'emparer de la circulation du virus dans les écoles à l'automne et à l'hiver", estime enfin Arnaud Fontanet.
Hugues Garnier Journaliste BFMTV