Gardasil: une plainte déposée et des questions

L'utilité du vaccin contre le cancer du col de l'utérus fait débat en France, et une première plainte vient d'être déposée contre le laboratoire qui le produit. - -
Le Gardasil fait-il courir un risque aux jeunes femmes? Alors que des patientes ont déjà saisi des commissions régionales d'indemnisation des accidents médicaux pour des effets secondaires liés selon elles au Gardasil, ce vaccin utilisé pour prévenir le cancer du col de l'utérus est désormais visé par une plainte. Et d'autres devraient suivre. Alors, le Gardasil est-il dangereux?
> Qu'est-ce que le Gardasil?
Le Gardasil est un vaccin développé par le laboratoire Sanofi-Pasteur pour prévenir certaines lésions du col de l'utérus. Autorisé aux Etats-Unis et en Europe depuis 2006 pour les jeunes filles de 9 à 26 ans, il a connu ses premières critiques dès l'année suivante dans le monde entier.
Pourtant, différents ministères de la Santé, dont le ministère français en 2007, recommandent son utilisation pour lutter contre le cancer du col de l'utérus, 12e cancer le plus fréquent chez les femmes.
> Combien de plaintes en France?
Une plainte déjà déposée. Vendredi, Marie-Océane Bourguignon, 18 ans, a déposé plainte auprès du parquet du tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) contre le laboratoire Sanofi Pasteur MSD mais aussi l'Agence nationale de sécurité du médicament pour "atteinte involontaire à l'intégrité de la personne humaine."
Trois autres à venir. Trois autres plaintes devraient être déposées d’ici quinze jours, et d’autres pourraient suivre, selon le cabinet d’avocats qui défend les trois jeunes filles, car "des témoignages de jeunes filles victimes du Gardasil se multiplient (...) dans ce qui semble s'annoncer comme un nouveau scandale sanitaire".
"Les plaintes vont être déposées à Bobigny pour blessures involontaires mais aussi pour des infractions connexes comme la publicité trompeuse et la prise illégale d'intérêts", a déclaré l'avocate Camille Kouchner.
> Qu'est-il reproché au vaccin?
Une sclérose en plaques. Marie-Océane Bourguignon accuse le vaccin de lui avoir provoqué une sclérose en plaques. La première injection, détaille son avocat Me Jean-Christophe Coubris dans un communiqué, a été reçue par la jeune landaise le 11 octobre 2010, alors qu'elle était âgée de 15 ans, puis une deuxième le 13 décembre 2010. Une vaccination intervenue selon lui après un véritable "tapage médiatique", visant parfois à "culpabiliser" les parents pour qu'ils choisissent ce traitement.
Mi-février 2011, des signes cliniques sont apparu, des vertiges et vomissements ayant conduit à son hospitalisation à Dax (Landes), puis en urgence au CHU de Bordeaux, après avoir souffert de pertes momentanées de la vue, de la marche et d'une paralysie faciale. Selon un communiqué de Me Coubris, "le diagnostic d'encéphalomyélite aigüe disséminée (une inflammation du système nerveux central, ndlr) ou de sclérose en plaques a été rapidement posé".
Maladie de Verneuil. Pour les trois plaintes à venir, les victimes présumées sont des femmes de 20 à 25 ans qui ont pris le vaccin entre 2008 et 2010. Deux d'entre elles souffrent aujourd'hui de la maladie de Verneuil (maladie chronique de la peau), l'autre de polymyosite (maladie qui touche le système musculaire et qui le paralyse petit à petit).
> Un lien est-il fait avec le vaccin?
Oui selon l'avocat de la victime. Le dossier de Marie-Océane s'appuie sur une double expertise commandée par la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Aquitaine, qui selon son avocat Me Jean-Christophe Coubris a conclu "au lien d'imputabilité entre le vaccin et la pathologie de Marie-Océane". Mais la commission a limité son indemnisation à 50% du préjudice, estimant qu'une éventuelle vulnérabilité génétique avait aussi pu jouer.
Non selon Sanofi Pasteur. Le laboratoire qui produit le vaccin a confirmé dimanche la conclusion, mais la conteste. Selon le laboratoire, elle s'appuie "uniquement sur la constatation d'une coïncidence temporelle entre la survenue et les symptômes de la maladie et de la vaccination", sans prouver le lien de causalité.
Pour mettre en cause le vaccin, "il faut regarder si la maladie est plus fréquente chez un groupe de jeunes filles vaccinées que sur un groupe de jeunes filles non vaccinées", a déclaré André Dahlab, directeur adjoint des affaires médicales chez Sanofi Pasteur MSD. Or aucune étude n'a jamais établi "d'incidence supérieure", assure-t-il en défendant la thèse de la "coïncidence".
> Combien de femmes ont été vaccinées en France?
Selon l'InVS (Institut national de veille sanitaire), moins d'un tiers des adolescentes françaises (2,3 millions) étaient en 2011 vaccinées contre le cancer du col de l'utérus, 12e cancer le plus fréquent chez les femmes (3.000 malades par an).
> Peut-ont parler d'un nouveau scandale sanitaire?
Non, selon le gynécologue Joseph Monsonego, directeur de l’Institut du col et qui a coordonné les effets cliniques. "En tant que médecin, je ne peux que partager cette douleur de la jeune fille et de sa famille, a-t-il déclaré dimanche sur BFMTV. Mais il faut aussi ne pas faire d’amalgame entre un effet Mediator (…) et ce qu’on observe ici sous la forme d’un événement individuel. Le lien de cause à effet n’est pas démontré."