Déserts médicaux : vers une aide financière pour les médecins ?

La ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé vouloir venir en aide aux jeunes médecins qui s’installeraient dans les déserts médicaux. La ministre propose jusqu’à 4 600 euros par mois. Une mesure qui divise.

Un salaire minimum garanti pour les jeunes généralistes ? Oui, mais à condition qu'ils viennent s'installer dans un désert médical, en Picardie ou dans le centre de la France par exemple. C’est ainsi que la ministre de la Santé Marisol Touraine entend lutter contre la pénurie de praticiens dans des zones souvent rurales. La ministre veut assurer 55 000 euros annuels soit 4 600 euros par mois aux jeunes praticiens dans ces zones pendant 2 ans.

« Une forme d’assurance pendant deux ans »

D'après la ministre, le financement de la mesure est déjà prévu dans le budget de la sécurité sociale et le plan d'action sera détaillé d'ici un mois. « Nous allons mettre en place des postes de praticiens territoriaux de médecine générale, a-t-elle annoncé. Ce sont des médecins libéraux qui, quelques mois après leur sortie de l’internat iront s’installer dans un territoire sensible, isolé et seront aidés financièrement pendant deux ans. Un jeune médecin qui doit gagner 55 000 euros dans l’année, s’il n’y arrive pas, nous lui donnerons la différence. Ce qui permettra une forme d’assurance pendant deux ans ».

« Mauvaise réponse à une bonne question »

Mais la ministre n’a pas le soutien de toute la profession. Pour certains médecins, cette aide financière n’est pas la bonne solution. « C’est le type même de mauvaise réponse à une bonne question, assure ainsi le docteur Jérôme Marty qui fait partie du mouvement "Les médecins ne sont pas des pigeons". 4 600 euros par mois assurés aux médecins ça semble être une bonne chose mais ça ne résout absolument pas le problème. Le problème des déserts médicaux est dû à une désaffection de la profession qui est un effet ciseaux : en même temps les médecins vieillissent, s’en vont à la retraite et ne sont pas remplacés parce qu’il n’y a plus de choix pour cette profession. Donner cet argent pendant deux ans ne résoudra absolument pas le problème. C’est une politique à la : "encore une minute Monsieur le bourreau".

« Casser la peur à l’installation »

Pourtant chez les internes, la mesure de Marisol Touraine semble séduire et permettrait de dédramatiser l’installation en milieu rural. « Ce n’est pas juste un effet d’annonce, constate Emmanuel Bagourd, président de l'INSARD-IMG (Inter Syndicale autonome représentative des internes de médecine générale). En fait, ça casse un des problèmes qui est celui de l’appréhension de l’installation. On n’est pas formés à ça donc on ne sait pas quelle va être la réalité du terrain une fois installé. Mais une fois installés, beaucoup de médecins constatent que tout se passe très bien. Cette mesure de 200 praticiens territoriaux a le mérite de casser cette peur à l’installation pour se rendre compte à posteriori qu’elle était injustifiée ».

« Peur de travailler 60 heures par semaine »

Si les internes pourraient trouver un avantage à cette aide financière pour s’installer en milieu rural, elle ne les inciterait pas à aller s’installer dans les autres déserts médicaux que sont parfois les banlieues difficiles. « Les médecins ne s’installent pas dans ces zones non pas parce qu’ils ont peur de ne pas gagner leur vie, mais plutôt parce qu’ils ont peur de travailler 60 heures par semaine, soulève le docteur Alexandre Husson, médecin généraliste en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine. Dans le contexte actuel, à la campagne comme en ville c’est un métier prison. On est prisonnier de son cabinet, de sa clientèle. Et les jeunes ont du mal à envisager leurs 37 ans de carrière comme ça ».

T. de Dieuleveult avec V. Vulin