Dépendance, intoxications... Pourquoi les sachets de nicotine seront bientôt interdits par l'État

Des sachets de nicotine à New York, aux Etats-Unis, le 29 janvier 2024 - Michael M. Santiago / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Prisés par les adolescents, les sachets de nicotine seront interdits en France dès mars 2026, tout comme les billes et gommes de nicotine. Une décision prise par le gouvernement en raison de la hausse des intoxications liées à l'utilisation de ces "pouches".
Des produits au caractère addictif élevé
Depuis plusieurs années, les sachets de nicotine se sont invités dans le quotidien de nombreux adolescents. Fabriqués en tissu perméable, ils ne contiennent pas de tabac, mais des fibres de polymères imprégnées de nicotine. Ils se placent à l'intérieur de la bouche, entre les lèvres et la gencive.
En 2023, l'Anses expliquait que le Centre antipoison l'avait alertée après avoir observé une hausse nette des appels concernant l'usage de ces sachets depuis 2021.
Une étude a permis d'identifier que la majorité des personnes exposées étaient âgées de 12 à 17 ans. L'Anses appelait alors à porter "une attention particulière" sur ces produits en raison de la toxicité de la nicotine contenue dans ces sachets et de son caractère addictif.
Loïc Josseran, président de l'Alliance contre le tabac, également médecin et chercheur, alerte sur les conséquences de leur utilisation.
"Ils sont abrasifs. Cela va élimer la couche supérieure de la muqueuse et cela abîme la gencive, ce qui peut entraîner des problèmes dentaires. On va perdre ses dents et on va voir des cancers ORL, ce qui est catastrophique", explique-t-il à BFMTV.
Un "business" mauvais pour la santé
C'est la menace de cette dépendance qui provoque en premier lieu des inquiétudes. Bien que les jeunes consomment moins de tabac, ils manipulent d'autres produits.
"On commence à avoir un peu de recul et pour des jeunes qui ne sont pas informés, ça peut aller très vite. J'estime que ce produit n'a rien à faire entre les mains de mineurs", affirme Camel Guelloul, responsable de l'APICA (Association de prévention et d'information sur les conduites addictives).
Une proposition de loi avait été déposée en 2023 pour interdire les produits à usage oral sans tabac constitués de nicotine, incluant ces sachets de nicotine. A l'automne 2024, le gouvernement avait ensuite annoncé sa volonté de les bannir.
La parution du décret officialisant leur interdiction prochaine est une "victoire" pour l'Alliance contre le tabac. "Il s'agit d'une mesure cruciale pour protéger les jeunes et contrer les stratégies pernicieuses d'une industrie qui prospère sur le marché de l'addiction, au détriment de la santé publique", a-t-elle estimé dans un communiqué.
De son côté, Loïc Josseran dénonce un produit dont le seul objectif est "de faire rentrer les jeunes dans le tabagisme" et "de maintenir les plus âgés, qui pensent que c'est moins nocif, dans leur dépendance".
Camel Guelloul évoque également un marché néfaste, bien loin de l'intérêt des consommateurs. "C'est un produit qui est mis en place pour habituer les jeunes à consommer. Là, j'estime que vendre ce genre de produit, c'est aussi surtout pour faire du business", conclut-il.
De l'arsenic, du plomb ou des édulcorants
En plus de la nicotine présente dans ces produits, les autres composants inquiètent les autorités. Dans une étude de 60 Millions de consommateurs publiée le 10 décembre 2024, les scientifiques ont mis en évidence la présence d'arsenic dans tous les produits qu'ils ont analysés. Dans certains pouches il y avait également du plomb, de l'antimoine, du chrome, du molybdène mais aussi des édulcorants.
Ces produits ont aussi conduit à de nombreuses intoxications, d'après le rapport de l'Anses de 2023. Entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2022, "295 appels concernant une consommation volontaire ou accidentelle" de tabac à chauffer, tabac à mâcher, snus, sachets de nicotine et billes aromatiques, ont été reçus par les centres antipoison.
Les appels concernaient notamment les billes aromatiques, ces produits qui peuvent être insérés "dans le filtre pour modifier l’arôme de la fumée de cigarette". Ils représentaient 138 et des 295 appels et les appelants cherchaient surtout à obtenir des informations après une ingestion accidentelle, particulièrement par des enfants. "Les trois-quarts des exposés étaient des enfants âgés majoritairement d’un à trois ans", indique l'Anses.
Par ailleurs, des "syndromes nicotiniques aigus ont été observés dans cette étude chez des adolescents ayant consommé, parfois en milieu scolaire" des sachets de nicotine. Il s'agit de symptômes tels que des palpitations, une sensation de malaise, une tachycardie, des nausées, des vomissements, des vertiges ou encore des tremblements.
Ces intoxications, en augmentation, font aussi partie des raisons pour lesquelles ces produits vont bientôt être interdits.