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Alléger les restrictions sanitaires en France? Ce qu'en pensent les infectiologues

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Alors que des records de contaminations sont battus en France, le Royaume-Uni s'apprête à lever l'essentiel des mesures anti-Covid pesant sur la population. Sur notre antenne, deux scientifiques nous expliquent pourquoi l'heure de l'allègement n'a pas encore sonné pour l'Hexagone.

Dans une semaine, à compter du 27 janvier précisément, l'essentiel des restrictions anti-Covid pesant sur les Britanniques seront levées. C'est le Premier ministre Boris Johnson qui l'a officialisé mercredi devant la Chambre des Communes.

La France, quant à elle, ne prend pas le même chemin. Au contraire, le Conseil de défense sanitaire qui se tient ce jeudi autour d'Emmanuel Macron doit prolonger le dispositif anti-virus en place, et le pass vaccinal entrera en vigueur sous quelques jours. En duplex et sur notre plateau, des scientifiques nous ont expliqué ce jeudi pourquoi il était encore prématuré d'envisager un allègement des mesures dans l'Hexagone.

Parfois de mauvaises raisons derrière les bonnes nouvelles

Faisant lui aussi le constat de ce contraste entre les situations britannique et française face à la pandémie, Didier Pittet, infectiologue et épidémiologiste auprès des Hôpitaux universitaires de Genève, a commencé par un regret.

"Je déplore ces écarts parce que finalement tout le monde vit à peu près les mêmes circonstances," constate-t-il.

Mais d'après lui, l'option britannique a été choisie pour de mauvaises raisons, plus politiques que sanitaires.

"Boris Johnson est dans une très mauvaise position politique. Il a très mal géré la crise, on le sait. Donc, il y a un effet d'annonce ici", juge-t-il.

"Mes collègues travaillant dans les hôpitaux anglais sont très mécontents, parce que le système de santé va mal, alors imaginer qu'on puisse laisser aller...", a encore observé Didier Pittet. "En annonçant un relâchement dans les prochaines semaines et prochains mois, on a peur que la population se relâche complètement et que du coup la surcharge de travail pour les hôpitaux soit conséquente. Je pense qu'il ne faut pas confondre les décisions politiques et sanitaires".

"Tout ouvrir maintenant serait se dédire"

Le risque de confusion est d'autant plus important que la France se trouve actuellement au centre du paradoxe Omicron. Mercredi soir, l'agence Santé Publique France a recensé 436.167 nouveaux cas en 24h, ainsi que 27.230 hospitalisés pour 3852 malades en soins critiques. Mais tandis que le nombre des infections continue de grossir, voire de s'emballer, le chiffre des admissions en soins intensifs décroît, lentement mais sûrement.

"Il faut savoir raison garder par rapport à cette vague Omicron qui bien sûr nous donne des raisons d'espérer, mais nous en sommes encore à l'acmé de cette vague avec des souffrances dans les hôpitaux", a averti Didier Pittet.

Benjamin Rossi, infectiologue attaché au Centre hospitalier Robert-Ballanger, en Seine-Saint-Denis, a appuyé son propos sur le plateau de BFMTV. "Ce virus va rester là. Il sera toujours pourvoyeur d'un nombre de formes graves qui n'a plus rien à voir avec ce qu'on a connu avec les premières crises, il va falloir qu'on apprenne à gérer ça de manière pérenne." Quant à allèger les restrictions, il ne faut pas (encore) y penser selon lui. "On en est à 500.000 cas par jour, à l'hôpital c'est compliqué. Donc lever les restrictions maintenant, tout de suite, ne me paraîtrait pas le plus logique".

"Tout ouvrir maintenant ce serait se dédire au plan politique", a-t-il lui aussi remarqué.

Des mesures discutables, mais un principe incontestable

Au plan médical, cette fois, Benjamin Rossi reconnaît l'inégalité d'efficacité des règles actuellement en place.

"Je pense que le fait de ne pas danser ou de ne pas se tenir debout dans un bar ne sont pas les mesures les plus efficaces, il y a des choses qu'on pourrait discuter mais faire de la polémique aujourd'hui sur ce qu'il faudrait faire ou ne pas faire sur les restrictions, c'est pas le jour."

Le scientifique a en revanche appelé à investir dans le secteur de la santé: "Un milliard et demi par mois pour l'hôpital, ce serait mieux pour le pays." La patience et l'abnégation s'imposent décidément comme les maîtres-mots face à Omicron.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV