Alcool, tabac, médicaments : les seniors de plus en plus dépendants

un tiers des femmes de plus de soixante-cinq ans consomment des médicaments psychotropes - -
Si en France on a tendance à se focaliser sur la jeunesse en matière d'addiction, il existe un phénomène de fond concernant le troisième âge. C'est un sujet peu évoqué. Et pourtant les chiffres sont là : un senior sur dix a des problèmes avec l'alcool et un tiers des femmes de plus de 65 ans consomment des médicaments psychotropes. L'allongement de la durée de vie fait que les seniors qui ont des problèmes d'addiction sont de plus en plus nombreux. Le défi est gigantesque.
« Des dommages spécifiques : chutes, fractures du col du fémur... »
Philippe Batel est addictologue à l'Hôpital Beaujon de Clichy, en région parisienne. Il est catégorique, l’addiction des personnes âgées a des conséquences plus importantes que pour d’autres catégories de la population car « il y a souvent bien d'autres médicaments, qui vont traiter des maladies chroniques associées, qui interfèrent avec l'alcool et diminuent sa tolérance. Et puis il y a des dommages spécifiques. Je pense aux chutes, aux fractures du col du fémur, je pense aussi à l'implication de l'alcool dans les phénomènes de dégénérescence cognitive. Il y a donc une sensibilité particulière, chez les personnes âgées, liée à la consommation d'alcool ».
« Beaucoup pensent qu’après 20 ans de tabagisme il n’y a rien à faire »
Lydia Fernandez est psychologue du vieillissement. Elle affirme qu’il faut réinventer la prise en charge de ce type de personnes : « Pendant longtemps, les services d’addictologie ou les services spécialisés n’étaient pas sensibilisés au problème de l’addiction chez les sujets âgés. Ça nécessite de développer des services de soins plus adaptés avec des alternatives aux prises en charges actuelles. Beaucoup arrivent résignés et pensent qu’après 20 ou 30 ans de tabagisme par exemple, il n’y a rien à faire. Il faut leur donner les éléments qui leur permettent de penser qu’il n’est jamais trop tard et qu’on va pouvoir les prendre en charge ».
Comment peut-on détecter la dépendance chez les personnes âgées ?
Il existe tout d'abord des facteurs psychosociaux. Le deuil, l'isolement, l'ennui sont autant de situations de détresse qui peuvent conduire à une consommation élevée d'alcool. 9% des personnes de plus de 65 ans boivent trop, souvent sans réaliser qu'elles ont un problème. Attention également, en cas de maladies chroniques. On le sait, les Français sont les rois de la prescription et les retraités consomment davantage de médicaments psychotropes. C'est même un tiers chez les femmes, qui sont davantage exposées à la surconsommation. Autant d'indices qui peuvent permettre d'attirer l'attention des proches. Parler de ce sujet sensible, voire tabou, c'est la première étape avant une prise en charge médicale.