Actifed, dolirhume... Pourquoi ces médicaments controversés contre le rhume sont-ils encore vendus?

La France perd quelques degrés et des vieux amis de l'hiver font aussitôt leur retour: écharpes, manteaux et... nez qui coule. Quelques jours après la rentrée, des malades du rhume se présentent déjà aux comptoirs des pharmacies dans l'espoir de trouver un médicament qui pourra les soulager. Actifed, Humex, dolirhume... Des produits bien connus. Et dangereux?
L'Agence de sécurité du médicament (Ansm) a effectivement tiré la sonnette d'alarme en octobre 2023. "En cas de rhume, évitez les médicaments vaso-constricteurs par voie orale!", prévenait l'agence il y presque un an.
La raison de l'inquiétude, des "infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux" signalés après la prise de ces produits. La fréquence de ces effets secondaires grave est jugée "très faible". Et le lien avec la molécule en question, la "pseudoéphédrine", n'est pas tout à fait établi.
Pour comprendre l'enjeu, il faut décoder le fonctionnement dudit médicament. Lorsque nos corps combattent une infection, nos vaisseaux sanguins se dilatent "pour permettre au système immunitaire d'agir", comme l'explique sur BFMTV le médecin urgentiste Aurel Guedj. Une dilatation tout à fait naturelle qui entraîne un symptôme désagréable, le nez bouché.
Ces médicaments sont donc utilisés pour "diminuer la taille des vaisseaux pour réduire la congestion nasale", à des fins de confort. Mais lors d'une prise orale, la molécule ne cible pas uniquement les vaisseaux du nez et va dans le même temps agir sur ceux du coeur, du cerveau, etc. Ce qui peut poser problème, notamment chez une personne au coeur déjà affaibli par exemple.
Un équilibre "bénéfice risque" clair
Comme l'explique Aurel Guedj, toute la question de la dangerosité du médicament repose dans une question: être soulagé de sa petite gêne vaut-il de prendre le risque de subir un AVC? "Une question de balance bénéfice risque", résume le médecin.
Pour les autorités de santé, la réponse est plutôt claire. Moins il y a de risque, mieux c'est. Surtout que des alternatives efficaces et sans danger existent, dont les lavements de nez à l'eau salée, qui permettent de se dégager efficacement.
Reste que, la France est aujourd'hui isolée sur cette question. Dans les autres pays de l'Union européenne, les autorités sanitaires ne voient pas les médicaments contre le rhume d'un si mauvais oeil.
"En France, nous avons dans la Constitution le principe de précaution, dans ces événements graves qui ont été signalés (cardiaques, vasculaires cérébraux), il n'est pas prouvé que c'est ce produit qui en est la cause. Mais c'est possible", précise à BFMTV Philippe Besset, le président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France.
"On en vend beaucoup, beaucoup moins"
Les autorités sanitaires françaises recommandent d'éviter les médicaments contre le rhume. BFMTV a cependant pu s'en procurer dans une pharmacie, sans avertissement sur les contre-indications potentielles. Si la vente du médicament est toujours autorisée, le représentant des pharmaciens de France assure que des mesures ont été mises en place.
"On a pris une position, celle de dire: 'on ne va pas en faire la promotion'. On ne fait pas de pub, on met le médicament derrière et on ne répond qu'à la demande. Quand on a un conseil pharmaceutique, qu'on nous demande quelque chose, on propose plutôt de l'eau de mer (...) qui a le même effet de dégager le nez", pointe Philippe Besset.
Et ces simples mesures ont été efficaces. Les ventes de ces produits ont été "divisées par cinq ou sept" par rapport aux précédentes années. "On en vend beaucoup, beaucoup moins", précise-t-il, sans fournir les données spécifiques. Et depuis 2020, plus aucun signalement d'effet indésirable.