Présidentielle: les discours des candidats étudiés par les chercheurs

(g-d) François Fillon (LR), Emmanuel Macron (En Marche!), Jean-Luc Mélenchon (la France insoumise), Marine Le Pen (FN) et Benoît Hamon (PS), lors du débat sur TF1 le 20 mars 2017 - Patrick KOVARIK, POOL/AFP/Archives
Les principaux candidats à la présidentielle en France ont un discours de campagne "pauvre du point de vue du vocabulaire et du style" mais tentent de se distinguer par des dominantes propres, selon des chercheurs.
"Le discours politique de campagne est particulièrement pauvre du point de vue du vocabulaire et du style", observe Cécile Alduy, professeur de littérature à l'université de Stanford et spécialiste du discours politique.
Extrêmement codifié, le discours de campagne se fonde sur des slogans et mots simples, faisant appel à des grands principes abstraits. Et "le coaching en communication tend à lisser encore davantage le discours: il faut qu'il marque, mais sans fâcher personne", souligne Cécile Alduy.
Ce qui n'empêche pas les principaux prétendants de mettre en avant leurs spécificités: la dirigeante d'extrême droite Marine Le Pen réalise ainsi une "OPA" sur le mot "peuple", le centriste Emmanuel Macron étant "plus dans la dynamique que la thématique", tandis que le candidat de droite François Fillon, empêtré dans les affaires judiciaires, est "réfugié" sur "des marqueurs lexicaux très à droite", selon des chercheurs.
Marine Le Pen
La candidate du Front national a une "dialectique très martelée statistiquement: celle de la 'proximité' contre la 'mondialisation' ", observe Damon Mayaffre, chercheur au CNRS, copilote d'une plateforme numérique qui permet notamment de repérer les mots favoris des discours des candidats, via des algorithmes.
"Elle aime aussi tous les mots en 'isme', un peu anxiogènes dans le débat politique: islamisme, mondialisme, socialisme, libéralisme, terrorisme. Et elle a fait une "OPA lexicale sur le mot 'peuple' ", poursuit-il.
Pour la sémiologue Mariette Darrigrand, Marine Le Pen est dans une posture "mythologique". Elle "brode" autour du concept de patriotisme "des épisodes, comme dans une série: Marine va chez Poutine, Marine ferme les vannes de l'immigration…".
Emmanuel Macron
L'ancien banquier d'affaires "reprend une tradition du discours politique" et "théorise des passions heureuses", selon Mariette Darrigrand, pour qui "cette campagne 2017 ne se joue pas au niveau des idées" mais plus "dans la dramaturgie". "Il est très énergétique".
- Il utilise "des mots sans beaucoup de contenu, où la référence politique est effacée", avec peu de termes comme nation, peuple, patrie. "Il est plus dans la dynamique que dans la thématique" avec des mots comme innovation, transformation, selon Damon Mayaffre.
Julien Longhi, professeur en sciences du langage, qui étudie particulièrement les tweets des candidats, pointe aussi "des marqueurs forts comme l'association positive entre la France et l'Europe".
François Fillon
Le candidat de la droite était "sur la posture noble de l'épopée, mais le 'Penelopegate' a tout mis par terre. Il reste dans la posture épique, mais l'enjeu n'est plus la France mais lui-même", juge Mariette Darrigrand.
"Privé de sa thématique sur l'exemplarité, il se réfugie sur des marqueurs lexicaux très à droite: ordre, famille, France", observe Damon Mayaffre, relevant un autre mot très caractéristique: la "dette" que les autres "utilisent peu".
- Côté phrasé, il a comme Marine Le Pen "une voix forte, qui porte, ne tremble pas, sait se faire agressive ou dédaigneuse des positions adverses", remarque Cécile Alduy.
Jean-Luc Mélenchon
Le candidat du mouvement La France insoumise, "a une très forte identité discursive", relève Damon Mayaffre. Il cherche à "renouer avec l'humanisme et surutilise des mots très marqués, peu utilisés par les autres: humanité, humain, humaine…", ou "vertu", note le chercheur du CNRS.
Et "il sait faire alterner fausses questions oratoires et longs développements lyriques", remarque Cécile Alduy.*
Benoît Hamon
Benoît Hamon "a eu une élocution assez douce, modeste" au départ, mais "s'est aguerri", constate Cécile Alduy, pour qui il a aussi "renouvelé le vocabulaire de la gauche".
Mais il a "un discours peu identifiable par la machine, un peu coincé entre Macron et Mélenchon", selon Damon Mayaffre. "Il essaye un peu tout, mais n'a pas de posture propre", abonde Mariette Darrigrand.
Il a "choisi un créneau sociétal avec des termes comme 'féminisme, sexisme, racisme' ", souligne Damon Mayaffre, et son discours, un peu à la "Touche pas à mon pote" des années 1980, est "assez cohérent pour son socle électoral".
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