Les présidents ont les scandales qu'ils méritent

Nicolas Sarkozy - -
Je ne sais pas si Nicolas Sarkozy est coupable de quoi que ce soit dans l’affaire Bettencourt, la justice elle-même l’ignore. Mais ce n’est sûrement pas un hasard si le boulet judiciaire de Nicolas Sarkozy est cette affaire, un condensé de la proximité malsaine avec les grandes fortunes qui lui a été reprochée depuis la soirée du Fouquet’s. Le soupçon judiciaire est le miroir de l’erreur politique qu’a été le bouclier fiscal et il est clair que Nicolas Sarkozy s’est enferré des deux côtés, par ses maladresses, ses provocations et son entêtement, et en laissant penser que son pouvoir était celui des privilégiés.
Peut-on tirer d’autres enseignements des affaires qui ont touché les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy ?
Avec des interprétations différentes, oui. L’affaire des diamants, qui a fait tant de mal à Giscard, mettait en relief la distance quasi monarchique qui l’éloignait du peuple, ce qu’il n’a jamais compris. En 1981, il a fini en monarque déçu… et déchu. Sous Mitterrand, les scandales ont révélé les deux trahisons douloureuses de la gauche dans l’exercice du pouvoir : une trahison sur les libertés, avec l’utilisation cynique des militaires (la DGSE pour couler le Rainbow Warrior, les gendarmes pour espionner le Tout-Paris dans l’affaire des écoutes) ; et une trahison sur l’argent, quand la « réconciliation » de la gauche avec le monde des affaires a conduit à l’affairisme et aux délits d’initiés. Les déceptions morales font écho aux désillusions politiques.
Peut-on en dire autant de la présidence Chirac ?
Sous Chirac, les affaires ont fait surgir deux réalités principales. Tout d'abord, l’affaiblissement du pouvoir : Chirac a subi deux lourds échecs (la dissolution de 1997 et le référendum de 2005) qui mettaient en jeu sa responsabilité politique et il est le 1er président dont la justice a aussi mis en cause la responsabilité pénale. C’est une coïncidence qui est troublante. L’autre dominante des scandales qui l’ont touché, c’est l’obsession du parti : la mise en coupe réglée de la ville de Paris et des entreprises pour alimenter les caisses du parti, parce que le parti, c’est l’armée qui permet la conquête du pouvoir.
Est-ce une fatalité qui va forcément toucher François Hollande ?
Sa probité n’a jamais été mise en cause avant qu’il entre à l’Elysée, mais ça ne suffit pas. C’était aussi le cas de Nicolas Sarkozy et on a vu la suite : une nuée de suspicions s’est abattue sur lui pendant son quinquennat. Dans notre système médiatico-judiciaire, le scandale peut partir comme un feu de forêt à partir d’une étincelle. Par exemple, il suffirait qu’on trouve, dans une des enquêtes sur les fédérations du PS, un document qui mentionne François Hollande pour qu’il puisse se retrouver impliqué à son corps défendant. S’il y a une constante entre tous les présidents, c’est que leur immunité les a toujours protégés de la justice, mais qu’elle ne les a jamais préservés du scandale
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