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La France Insoumise

"Mépris de classe", "cabale"... Des élus LFI font bloc derrière Sophia Chikirou, certains veulent des "explications"

La députée Sophia Chikirou à l'Assemblée nationale le 16 mai 2023

La députée Sophia Chikirou à l'Assemblée nationale le 16 mai 2023 - Emmanuel DUNAND / AFP

Plusieurs membres de LFI ont ironisé jeudi soir sur le contenu du "Complément d'enquête" consacré à la députée LFI de Paris, même si quelques élus commencent à demander des "explications".

Dans la tempête, certains insoumis font bloc, d'autres prennent leurs distances ou se font discrets. Lors de la nuit de jeudi à vendredi, plusieurs d'entre eux ont tapoté quelques signes sur X (ex-Twitter) pour chercher à dégonfler la polémique qui enfle autour de Sophia Chikirou. La députée de LFI, très proche de Jean-Luc Mélenchon, est dans l'œil du cyclone, aussi bien pour son rôle dans la campagne présidentielle 2017 du leader insoumis que pour ses méthodes de gestion.

Un reportage de Complément d'enquête, sur France 2, lui était consacré ce jeudi. Celui-ci est "creux dans son contenu, éculé dans ses ressorts", a dénoncé le député insoumis Bastien Lachaud dans la foulée de sa diffusion, avant d'égrainer un flot de critiques: "règlement de compte politique, fantasme sexiste contre les femmes en responsabilité, mépris de classe contre qui ne vient pas du petit monde de la caste."

"Pas de prix Albert Londres?"

Plus concise, sa collègue Ersilia Soudais a évoqué "une tempête dans un verre d'eau". Une façon d'opposer le suspens qui régnait autour de cette émission, dont plusieurs extraits avaient filtré, aux révélations qu'elle apporte. La députée LFI Nadège Abomangoli, a ainsi regretté le "mois de teasing" consacré à ce Complément d'enquête, avant d'ironiser: "Comment? Pas de prix Albert Londres?"

Les principales têtes d'affiche du parti, à l'image de Mathilde Panot ou de Manuel Bompard, n'ont pas réagi depuis la diffusion de l'enquête à l'heure où nous écrivons ces lignes. La veille, le député des Bouches-du-Rhône a prétexté sur Public Sénat qu'il serait "plus intéressant" de regarder le match de l'Olympique de Marseille, qui se déroulait à 18h45, soit plus de 4h avant le Complément d'enquête.

Mais l'insoumis avait déjà livré les axes de défense de son camp, dénonçant une "cabale médiatique" et le "sexisme" dont seraient victimes certaines insoumises.

Sophia Chikirou, ex-directrice de la communication de Jean-Luc Mélenchon, est au cœur d'une enquête sur les comptes de campagne du leader insoumis de 2017. La justice soupçonne Mediascop, sa société de conseil en communication, d'avoir surfacturé certaines prestations lors de cette échéance élyséenne.

Selon Le Monde, Sophia Chikirou devrait être prochainement entendue par un juge en vue d'une mise en examen pour "escroquerie aggravée". Toujours d'après le journal, elle se serait versé la quasi-totalité des bénéfices de la campagne de 2017 en prime et dividende.

"C'est complètement faux", a répondu Manuel Bompard sur Public Sénat jeudi, plaidant la "transparence" de l'élue de 44 ans avec pour preuve sa déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans laquelle "ses revenus et rémunérations sont présents".

"On fait bloc"

Le Complément d'enquête évoque les comptes de campagne de 2017 et met également en lumière les méthodes de gestion contestée de l'insoumise. Dans un extrait, elle tient des propos homophobes, en qualifiant de "tafioles de merde" des journalistes de la webtélé Le Média, dont elle a été la présidente. Lors d'un autre passage, elle ironise au lendemain du malaise de l'un de ses salariés transporté aux urgences: "LOL", "Aujourd'hui on envoie qui à l'hôpital".

Plusieurs insoumis serrent les rangs. "Quoi qu’il arrive, on fait bloc. Vous savez que c’est une caractéristique de la mélenchonie. Même quand on a tort", expliquait le député insoumis Hadrien Clouet à Libération il y a quelques jours. Pour autant, quelques dissonances se font entendre dans l'orchestre de LFI.

"Je parle quand je veux"

Qui plus est publiquement. Et cela, alors même que le sujet est plus que sensible, comme en atteste un message de Mathilde Panot, cheffe de file des députés insoumis, relayé par Complément d'enquête. Dans celui-ci elle déconseille aux parlementaires de parler de Sophia Chikirou à Complément d'enquête.

Les journalistes de l'émission précisent également que "pas un seul poids lourd du mouvement n'a souhaité témoigner dans cette enquête et que les seuls qui ont accepté d'échanger quelques mots [...] l'ont fait à condition de conserver un total anonymat". "Jean-Luc a déjà éliminé des gens qui n'ont pas été gentils avec elle", indique un témoin dans l'émission.

Pour autant, des "explications de Sophia et du mouvement" doivent être données, a estimé la députée insoumise Danielle Simonnet ce jeudi auprès de l'AFP. Toujours selon l'agence de presse, elle a tenu ces propos au cours de la réunion du groupe parlementaire mardi. Son collègue Alexis Corbière est allé dans le même sens.

Même écho du côté de la députée de Dordogne Pascale Martin, qui s'était déjà distinguée en demandant l'exclusion d'Adrien Quatennens du groupe parlementaire de LFI. "Aux milliers de militant.es bénévoles sincères, Sophia Chikirou doit des explications. Les pratiques doivent changer", a-t-elle écrit à l'AFP.

L'intéressée sera la maître des horloges si l'on en croit les propos qu'elle a tenus ce mercredi lors d'une conférence de presse à l'Assemblée: "Moi, je parle quand je veux, où je veux, et avec qui je veux".

Baptiste Farge