Manuel Valls peut-il quitter Matignon?

François Hollande et Manuel Valls sur le perron de l'Elysée - AFP
"Sur quelle légitimité votre gouvernement peut-il encore s'appuyer?" En interrogeant vertement Manuel Valls sur le report de la présentation de la loi Travail, le patron des députés LR, Christian Jacob pose en creux la question du maintien du Premier ministre à Matignon. "Quitter Matignon? Pour faire quoi? Apparaître comme un traître? Revenir à l'Assemblée et Évry?", interroge un socialiste dans Le Figaro jeudi. Pourtant, si les proches de François Hollande et de Manuel Valls estiment que les deux hommes gouvernent main dans la main, plusieurs événements font état de relations tendues.
Alors que Manuel Valls a atteint cette semaine son plus bas de niveau de confiance depuis son entrée à Matignon en avril 2014, le Premier ministre a surtout dû prendre du recul sur le projet de loi de réforme du code du Travail, porté par Myriam El Khomri, mais piloté par ses services. La menace du 49-3, a d'ailleurs été brandie par ses soins avant que François Hollande ne calme le jeu comme les élans "réformistes" de son Premier ministre.
Finalement, le texte devra être retravaillé après une vague de consultations censées calmer la grogne générale. Manuel Valls a aussi été contraint d'accepter un séminaire avec les députés PS sur le sujet et d'annuler cinq jours de voyages prévus en Nouvelle-Calédonie et en Australie.
Le remaniement portait la marque de Hollande
Alliés de circonstances, les deux anciens adversaires de la primaire à gauche de 2011 jonglent en permanence pour maintenir un équilibre politique, désormais précaire. Lors du dernier remaniement, les observateurs ont noté la patte de François Hollande dans le choix des entrants comme Jean-Marc Ayrault, quand bien même un proche de Manuel Valls, Jean-Jacques Urvoas, a remplacé Christiane Taubira à la Justice.
"Ce gouvernement est cohérent, et Manuel Valls le dirige avec talent et autorité", avait assuré le chef de l'Etat sur TF1 et France 2, assumant d'avoir élargi les lignes représentées et balayant divergences, voire concurrence. Pourtant, en privé, Libération raconte que le ton a changé. "Pour la première fois, j’ai entendu Hollande faire des remarques à haute voix sur Valls", explique un proche du président au quotidien.
"Ce qui compte, ce ne sont pas les personnalités qu’on recrute mais les électeurs, argumente François Hollande devant ses fidèles. Valls pense qu’on ne peut plus gouverner avec une partie de la gauche, alors que sans rassemblement de la gauche, je suis sûr de perdre au premier tour de la présidentielle".
La loi Travail comme arbitre
Façon aussi de répondre à ses soutiens qui le mettent en garde contre les ambitions de Manuel Valls pour 2017. "Valls se prépare à sortir, il ne veut pas être coresponsable du bilan. Alors il tend au maximum l’élastique pour qu’il finisse par casser", expliquait l'un d'eux au Monde. "Il se prépare à te trahir", aurai aussi prévenu Martine Aubry, selon L'Express. Au contraire, le chef de l'État cherche à faire porter "la responsabilité des difficultés" sur Manuel Valls pour "détourner de lui l'attention que suscite forcément l'approche de la présidentielle", juge dans l'AFP le sénateur PS Gaëtan Gorce.
Le Premier ministre, qui monte souvent au front face aux critiques, peut aussi mettre sa démission dans la balance sur la question de la loi Travail (il l'avait fait comme ministre de l'Intérieur lors de l'affaire Leonarda en 2013). A ses amis, Manuel Valls dit selon Le Figaro, qu'"il ne privilégiera pas sa cohérence s'il considère que l'obstruction l'emporte sur l'esprit de réforme". Que "s'il juge que le renoncement l'emporte sur le compromis, il ne l'acceptera pas", poursuit-il.
François Hollande pourrait aussi renoncer à briguer un second mandat. Dans ce cas, Manuel Valls n'aurait d'autre solution que d'entrer dans l'arène. Certainement contre Martine Aubry, une adversaire qui lui impute déjà les maux du quinquennat et la fracture de la gauche.