L'ancien ministre de l'Agriculture Didier Guillaume est mort à l'âge de 65 ans

L'ancien président des sénateurs socialistes est décédé ce 17 janvier. Cet ex-ministre de l'Agriculture avait gagné en notoriété après plusieurs polémiques sur l'usage des pesticides et la consommation de vin.

L'ancien ministre de l'Agriculture Didier Guillaume est mort à l'âge de 65 ans. Membre du gouvernement d'Édouard Philippe entre 2018 et 2020, cet ancien président du groupe socialiste au Sénat avait été hospitalisé il y a quelques semaines.

Didier Guillaume avait commencé sa carrière au début des années 80 dans la Drôme, comme président du comité de soutien de François Hollande pour l'élection présidentielle.

Un très proche de Manuel Valls

C'est le début de son ascension, gravitant patiemment les échelons. De conseiller municipal de Bourg-de-Péage dans la Drôme, là où il est né, à un mandat de conseiller régional, il se fait remarquer par les cadres socialistes nationaux en devenant conseiller politique de Jean Glavany alors ministre de l'Agriculture sous Lionel Jospin.

En 2004, ce fan de rugby devient président du conseil départemental de la Drôme avant de rentrer 4 ans plus tard au Sénat. Didier Guillaume devient président du groupe PS en 2011 à la faveur du départ de François Rebsamen, devenu ministre du Travail dans le gouvernement de Manuel Valls.

Apprécié de ses collègues sénateurs, l'élu tente en 2014 de prendre la tête de la chambre haute mais finit largement battu par Gérard Larcher. Trois ans plus tard, le sénateur dirige la campagne de Manuel Valls pour les primaires socialistes, finalement largement battu par Benoît Hamon.

Polémique autour des pesticides

Après un rapprochement avec Emmanuel Macron que lui reprochent ses collègues socialistes de la chambre haute, le Drômois décide de quitter la vie politique avec en tête un objectif: prendre la tête du groupement d'intérêt public pour préparer la coupe du monde de rugby en France en 2023.

Il y renonce au dernier moment avant de faire son retour surprise au Sénat. Exit les socialistes, bonjour le groupe du Rassemblement démocratique sociale et européen (RDSE) à tradition de centre-gauche.

Moins de 4 mois plus tard, Didier Guillaume rentre au gouvernement comme ministre de l'Agriculture. Il fait ses classes dans un contexte de forte défiance entre les écologistes et les agriculteurs, illustré notamment par l'affaire des "bébés sans bras". Lors de la passation de pouvoir avec Stéphane Travert, l'ex-sénateur assure que "les lobbys ne pourront pas franchir la porte de son ministère".

Quelques jours, le ministre demande cependant aux scientifiques de "faire la preuve" des conséquences des pesticides sur la santé sur RTL. La loi dispose pourtant que c'est au producteur de pesticides de prouver que leurs produits n'ont pas d'effet sur la santé. C'est le début d'une longue liste de prises de positions qui suscitent la controverse.

"Jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit saoul" avec du Côtes-du-Rhône

En janvier, quelques semaines à peine après qu'une campagne gouvernemental sur "le Dry january", cette opération qui consiste à se passer d'alcool pendant un mois, soit annulée, Didier Guillaume sort du bois.

Le ministre de l'Agriculture explique alors sur BFMTV ne pas être persuadé que "le vin soit un alcool comme les autres". "On n'a jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit être saoul parce qu'il a bu du Côtes-du-Rhône", lance-t-il alors.

Les propos déplaisent fortement à l'époque à sa collègue de la Santé. "La molécule d'alcool contenue dans le vin est exactement la même que celle contenue dans n'importe quelle boisson alcoolisée", rappelle alors Agnès Buzyn.

Manifestement soucieux de ne pas aller sur ce terrain à l'approche du Salon de l'agriculture, Emmanuel Macron fait savoir, lui, qu'il buvait "du vin le midi et le soir".

Contre l'instauration des zones sans pesticides proches des habitations

En août 2019, il se rend ainsi avec Jacqueline Gourault, l'une de ses anciennes collègues sénatrice et ministre de la Cohésion des territoires, assister à une corrida - suscitant une polémique dans les rangs écologistes. Le ministre regrette quelques jours plus tard "d'avoir choqué".

Un mois plus tard, Didier Guillaume indique être opposé à l'instauration de zones sans pesticides dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation, conformément aux recommandations des scientifiques et en plein débat sur la dangerosité du glyphosate.

Emmanuel Macron, lui-même, avait soutenu le maire d'une commune d'Ille-et-Vilaine, qui avait signé un arrêté anti-pesticides. Dans la foulée, l'ex-socialiste défend les "vaches à hublot", cette pratique qui consiste à poser des hublots dans la panse de vaches pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre.

Quelques semaines après le début de l'épidémie de Covid-19, le ministre appelle les Français à rejoindre "la grande armée de l'Agriculture" pour aider "celles et ceux qui vont nous permettre de nous nourrir de façon propre, saine, durable".

La manœuvre vise à aider les agriculteurs, menacés par l'absence de saisonniers étrangers avec la fermeture des frontières. L'initiative récolte un franc succès - 50.000 volontaires se manifestent.

"L'ami, le frère" d'Olivier Dussopt

Après avoir tenté sans succès d'être investi par la macronie pour devenir maire de Biarritz, il quitte son poste ministériel à l'été 2020. Au printemps 2021, Didier Guillaume intègre le comité directeur de la Ligue national de rugby. 3 ans plus tard, l'ancien sénateur se met au service de la principauté de Monaco et devient ministre d'État de Monaco.

L'ancien ministre du Travail Olivier Dussopt, voisin de circonscription de l'ex-ministre et tête de proue de la réforme des retraites en 2023, a salué sur X "un ami, un frère" qui l'a "toujours accompagné et soutenu".

Le président français Emmanuel Macron a salué "un humaniste en République" et "son engagement pour les autres." "Je pense à sa famille. Je perds un ami", a-t-il écrit sur X.

Même son de cloche pour le ministre de la Défene Sébastien Lecornu qui a évoqué "sa très vive émotion en apprenant le décès de Didier Guillaume".

"Nous garderons le souvenir de son action qui a permis de renforcer les liens entre les Français et leur agriculture", a jugé de son côté la FNSEA, le tout premier syndicat agricole.

Marie-Pierre Bourgeois