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"Gros clin d'oeil gênant": la gauche dénonce la réaction de Darmanin après les réquisitions contre Le Pen

Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, le 7 décembre 2023 à Saint-Ouen

Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, le 7 décembre 2023 à Saint-Ouen - Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP

La gauche s'insurge contre la sortie de Gérald Darmanin, qui a volé au secours de Marine Le Pen ce mercredi après que le parquet a requis cinq ans d'inéligibilité contre elle dans le cadre du procès du RN.

"Insensé et très grave". Des propos font largement réagir la gauche en marge du procès des assistants parlementaires du FN, où le parquet a requis cinq ans de prison, dont trois avec sursis, cinq ans d'inéligibilité et 300.000 euros d'amende contre Marine Le Pen ce mercredi 13 novembre.

Non pas ceux, innombrables, des élus du parti d'extrême droite, qui ont dénoncé un "acharnement" et s'inquiètent que leur championne ne puisse se présenter lors de la prochaine présidentielle. Plutôt ceux d'un ancien ministre de l'Intérieur, redevenu député: Gérald Darmanin.

"Gros clin d'oeil gênant"

Les mots de ce poids lourd du camp présidentiel? "Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. Si le tribunal juge qu’elle doit être condamnée, elle ne peut l’être électoralement, sans l’expression du Peuple. N’ayons pas peur de la démocratie et évitons de creuser, encore plus, la différence entre les 'élites' et l’immense majorité de nos concitoyens."

Un "gros clin d'œil gênant de celui qui feint de plaindre celle dont il rêve de récupérer l'électorat", dénonce Olivier Faure, premier secrétaire du PS.

Une référence au sillon creusé par Gérald Darmanin qui cherche à s'adresser aux classes populaires (au point de retirer sa cravate, NDLR). Olivier Faure note également "une grosse entorse au principe de séparation des pouvoirs et l’accusation implicite d’une justice politique."

Sur le même ton, la députée socialiste Dieynaba Diop questionne: "Doit-on rappeler à Gérald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur, que la séparation des pouvoirs est un principe fondamental de notre République et que le respect de l’indépendance de la justice est essentiel pour justement protéger notre démocratie?"

"Fort avec les faibles, faible avec les forts"

Et la sénatrice Laurence Rossignol, également membre du parti au poing et à la rose, de renchérir, estimant que Gérald Darmanin "fait pression sur les juges pour qu’une personnalité politique ne soit pas condamnée. Le même qui, d’ailleurs, ne manque jamais une occasion de se plaindre du laxisme des juges".

Enfin, son collègue député Arthur Delaporte met en garde: "Combattre le RN ça suppose aussi d’être ferme sur les principes du droit."

Le reste de la gauche se saisit également de ces déclarations. L'insoumise Nadège Abomangoli accuse Gérald Darmanin de "demander une justice d’exception quand des élus d’extrême-droite sont suspectés d’avoir mis en place un système de détournement de fonds publics à hauteur de plusieurs millions d’euros".

Tandis que l'eurodéputé écologiste David Cormand tacle: "Fort avec les faibles, faible avec les forts. Pour eux, la Loi ne doit pas être la même pour tout le monde." Marine Le Pen "ne peut pas considérer qu'elle aurait un totem d'immunité Koh Lanta parce qu'elle est candidate à la présidentielle. C'est une justiciable comme les autres", a apuyé un peu plus tard sur BFMTV la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier.

Sans réagir directement aux propos de Gérald Darmanin, Jean-Luc Mélenchon se prononce contre l'exécution provisoire, alors que LFI est également mise en cause pour le travail d'assistants parlementaires européens. "Une peine d'inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi", juge le leader insoumis.

Tout en soulignant que cette décision "reste à l'appréciation du juge". "C'est bien. Contrairement au RN, nous sommes contre les peines automatiques", écrit le triple candidat à la présidentielle.

Loi Sapin 2

À l'issue des réquisitions, Marine Le Pen a fustigé la décision du parquet, évoquant "une volonté de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent". Des nuages planent autour de son avenir politique. Si le tribunal suit le parquet, la peine d'inéligibilité, assortie d'une exécution provisoire, serait applicable dès la condamnation, y compris en cas d'appel.

L'affaire la concernant est celle des soupçons d'emplois fictifs au FN, devenu RN en 2018, visant à détourner l'argent du Parlement européen au bénéfice du parti. En plus de Marine Le Pen, et sa formation d'extrême droite, 24 autres personnes sont jugées. Mercredi, l'accusation a souligné que le "système" mis en place, qui s'est "renforcé" avec l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti en 2011, est "inédit" par sa durée, le "montant" des détournements (4,5 millions) et son "caractère organisé, systématisé".

La potentielle inéligibilité de la triple candidate à la présidentielle pourrait être prononcée en vertu de la loi dite "Sapin 2", entrée en vigueur le 11 décembre 2016. Soit, à 20 jours près, dans la période des faits reprochés à Marine Le Pen (2011-2016).

En raison de cette loi, la peine d'inéligibilité de la cheffe des députées RN deviendrait obligatoire, et non plus facultative, mise à part si le tribunal "par une décision spécialement motivée" en décide autrement, comme le rappelle Le Monde.

En plus de Marine Le Pen, le ministère public requiert notamment 18 mois de prison dont six mois ferme avec trois ans d'inéligibilité contre le N°2 du RN Louis Aliot ; 10 mois avec sursis et un an d'inéligibilité contre le porte-parole du RN Julien Odoul ; 18 mois avec sursis et deux ans d'inéligibilité pour la soeur de Marine Le Pen, Yann Le Pen.

En plus de Marine Le Pen, le ministère public requiert notamment 18 mois de prison dont six mois ferme avec trois ans d'inéligibilité contre le N°2 du RN Louis Aliot ; 10 mois avec sursis et un an d'inéligibilité contre le porte-parole du RN Julien Odoul ; 18 mois avec sursis et deux ans d'inéligibilité pour la soeur de Marine Le Pen, Yann Le Pen.

La défense doit plaider à partir de lundi et la fin du procès est prévue le 27 novembre. Le tribunal ne rendra pas sa décision avant plusieurs mois.

Baptiste Farge