A la veille de l'Euro, l'exécutif hausse le ton face à la colère sociale

Cheminots, éboueurs, urgentistes, Air France, opération coup de poing à Rungis… Les mouvements de grève, engagés à la fois pour dénoncer la loi Travail et réclamer des revendications particulières, perdurent ce jeudi dans de nombreux secteurs, notamment à la SNCF, devenu le principal champ de bataille contre le projet de loi porté par Myriam El Khomri.
Le secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, a déploré sur BFMTV que "certains se foutent de voir leur pays accueillir une grande compétition".
"Bloquer la France pendant l'Euro, c'est une forme de guérilla syndicale. On est dans un jusqu'au-boutisme, dans une politique du pire", a pesté le ministre des Sports Patrick Kanner, jeudi matin sur France Inter.
"Que chacun prenne ses responsabilités", a-t-il lancé en arrivant au conseil des ministres bis. "Les Français attendent l'Euro, le monde attend l'Euro; le monde sportif mais aussi en général ceux qui veulent voir l'avenir avec un petit peu de perspective favorable", a argué le ministre des Sports, qui "regrette ces formes perlées de blocage du pays".
Les aides annoncées par le Premier ministre Manuel Valls en faveur du secteur ferroviaire vont-elles éteindre la contestation? "Nous verrons bien", répond Patrick Kanner sur le ton de la prudence.
Le trafic reste en tout cas perturbé avec un train sur deux sur les lignes Transilien, RER et Intercités et 6 TER sur 10 en circulation. En revanche, 80% des TGV devraient rouler.
"Cette grève n'a plus aucun sens"
"Pour qu'une grève soit comprise, il faut qu'elle ait un sens et, aujourd'hui, cette grève n'a plus aucun sens", a déclaré, pour sa part le ministre des Finances, Michel Sapin, sur France Info.
Dans le ciel, l'éclaircie n'est pas pour maintenant: pour les syndicats de pilotes d'Air France, les discussions avec la direction ne permettent toujours pas de lever la menace de grève annoncée du 11 au 14 juin.
Voilà qui rappelle 1998: à l'approche de la Coupe du monde, déjà une grève des pilotes avait paralysé la compagnie aérienne pendant dix jours. Un accord y avait mis fin in extremis, le jour même de l'ouverture du Mondial.
"Toutes ces perturbations ça détruit de l'emploi, ça met des gens dans la souffrance", a lancé pour sa part Ségolène Royal jeudi.
Interrogé sur les conséquences des mouvements sociaux sur la croissance, Michel Sapin a estimé a contrario que "globalement, ça n'(avait) pas d'impact"."
(Mais) ce n'est pas une raison (...) ce n'est pas le moment de mettre des bâtons dans les roues de la croissance qui reprend", a-t-il poursuivi en soulignant que plus de 160.000 emplois avaient été créés dans le secteur privé français sur les douze mois à fin mars.
"C'est important pour l'image de la France"
"Il y a un temps pour tout et là c'est le moment du rassemblement. Le message a été entendu en plus donc je crois que ça ne sert à rien", a renchéri la ministre de l'Environnement, qui appelle elle aussi à la "responsabilité". Pour Ségolène Royal, c'est "l'intérêt national du pays qui est en jeu", au moment où "la France va être regardée par les télévisions du monde entier et (où) deux millions de personnes vont venir pour l'Euro".
En réponse à la contestation, Manuel Valls a récusé mercredi soir "tous ces procès en trahison de la gauche" et mis en garde les mécontents contre une droite qui veut "déréguler". "Il faut savoir arrêter une grève", déclarait déjà François Hollande en début de semaine.
Les opposants ne veulent pourtant pas lâcher. L'intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, Fidl et UNL) garde en ligne de mire la manifestation nationale à Paris le 14 juin et prévoit aussi des actions le 23, jour du vote au Sénat et le 28, jour de remise des résultats de la votation citoyenne.
"Est-ce qu'on doit s'arrêter de faire grève parce qu'il y a des inondations? La réponse est non. Est-ce qu'on doit arrêter parce qu'il y a l'Euro? La réponse est non", a déclaré sur RTL Fabien Villedieu, délégué syndical Sud-Rail à la SNCF.