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Politique

Evadés fiscaux : Woerth a 3000 noms !

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3000 noms pour 3 milliards d'euros. Le ministre du Budget Eric Woerth lance un ultimatum aux évadés fiscaux français, chiffres à l'appui. Mais les spécialistes évoquent des sommes bien plus importantes.

Hier dimanche 30 août, le ministre du Budget Eric Woerth a annoncé détenir une liste de 3 000 noms de contribuables français ayant des comptes non déclarés en Suisse. Il leur donne jusqu'au 31 décembre pour se régulariser auprès du fisc sans sanction pénale. Faute de quoi, ils s'exposent à des contrôles fiscaux et à la justice. Objectif : récupérer 3 milliards d'euros.
Une annonce qui intervient 2 jours seulement après la signature d'un accord avec les autorités Suisses levant la protection du secret bancaire. A quelques jours également du sommet du G20 à Pittsburg aux Etats-Unis (24 septembre prochain) où la France a bien l'intention de se montrer en pointe dans la moralisation du capitalisme.

Un ultimatum réellement efficace ?

En annonçant détenir 3000 noms de contribuables, leur numéro de compte et le montant de leurs avoirs placés en Suisse, Eric Woerth veut créer un déclic, faire peur. Reste à savoir si cela va réellement inciter les fraudeurs à rentrer au bercail. Beaucoup en doutent. D'abord, parce que certains d'entre eux vont sans doute attendre jusqu'au dernier moment pour se décider, voir si au delà des mots, il y a bien des actes. En principe, comme l'explique Vincent Drezet, secrétaire national du Syndicat unifié des impôts (SNUI), « quelqu'un qui se dénonce va payer l'impôt qu'il n'a pas payé et des intérêts de retard sur cet impôt. Cette régularisation offre la possibilité de discuter le montant des pénalités, mais ça dépend de beaucoup de choses. »

« 500 milliards d'euros de capitaux noirs... »

L'ultimatum de Bercy pourrait n'être qu'un coup d'épée dans l'eau, parce que les 3000 contribuables fraudeurs concernés n'appartiennent qu'à 3 banques suisses, alors qu'il y a des dizaines de banques sur le territoire Helvétique. Et sachant qu'officiellement en Suisse il y a actuellement 40 milliards d'euros d'avoirs placés, en provenant de la France, les spécialistes affirment que les sommes qui y sont en réalité planquées par les riches Français sont « bien plus considérables », comme l'explique Jean Ziegler, sociologue auteur du livre La Suisse lave plus blanc : « 3000 personnes et 3 milliards, ça signifie un million par fraudeur ; or les très grands fraudeurs ont transféré en Suisse beaucoup plus. On pense qu'environ 500 milliards d'euros de capitaux noirs appartenant à des Français sont déposés en Suisse. »

« Ne pas oublier l'évasion fiscale des multinationales »

Dans tout ça, il ne faudrait pas oublier, non plus, les entreprises internationales qui cachent de l'argent dans des paradis fiscaux. Ce que rappelle Vincent Drezet, secrétaire national du SNUI : « il y a probablement en Suisse des milliers de comptes bancaires et de sociétés écrans qui pour l'instant sont inconnus du fisc français. On parle beaucoup de personnes physiques, mais il ne faudrait surtout pas oublier l'évasion fiscale des entreprises, et notamment des multinationales, parce qu'un certain nombre de grandes entreprises créent des filiales dans les paradis fiscaux pour y transférer leurs bénéfices et ainsi échapper à l'impôt. »

« Un tremblement de terre qui secoue la Suisse »

Le 27 août dernier, la Suisse s'est engagée à coopérer avec la France dans la lutte contre la fraude fiscale, effectuant un pas supplémentaire vers son retrait de la liste des paradis fiscaux stigmatisés par le G20. Un avenant à la convention fiscale franco-suisse signée à Berne par la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde, et Hans-Rudolf Merz, président de la Confédération helvétique, intègre ainsi une "clause d'échange de renseignements" qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Et pour le sociologue Jean Ziegler, la coopération de la Suisse sur cette question de la fraude fiscale, c'est une vraie révolution : « c'est vraiment un tremblement de terre qui secoue maintenant le paradis fiscal helvétique, qui est le plus grand paradis fiscal du monde, puisque 27% de toutes les fortunes gérées en dehors de leur lieu d'origine, sont gérées en Suisse. Cette attaque contre le paradis fiscal suisse se double par cette stratégie de l'OCDE pour assécher tous les autres paradis fiscaux, des Bahamas, des Îles Caïman, etc. Aucun paradis fiscal ne peut à la longue s'opposer à une convention imposée par l'OCDE. »

La rédaction, avec Christophe Bordet