Espionnage mode d'emploi

« Les coulisses de la politique », tous les matins à 7h20 sur RMC et RMC.fr avec C. Jakubyszyn. - -
Le 17 juillet, l’Elysée s’étrangle en découvrant dans le quotidien du soir, des extraits de l’audition de Philippe de Maistre, le chargé d’affaire de Liliane Bettencourt. Celui-ci, dans sa déposition, a mis en cause Eric Woerth, expliquant que le ministre du Budget lui avait demandé d’embaucher sa femme.
L’Elysée aurait donc chargé les services secrets d’enquêter sur les informateurs du Monde. Les services secrets ciblent des informateurs potentiels et exigent des opérateurs téléphoniques le listing de leurs communications passées et reçues. Hier soir, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) confirmait qu’elle avait bien enquêté dans l'affaire Woerth-Bettencourt. « Il s'agissait de vérifier la loyauté de hauts fonctionnaires », explique-t-elle.
Et la « taupe » est identifiée. Il s’agit d’un collaborateur de Michèle Alliot-Marie, la ministre de la Justice : David Sénat, un magistrat, conseiller pénal de MAM. L’Elysée demande à MAM de se séparer de lui. Ce sera fait fin août. Et, cela ne s’invente pas, David Sénat est envoyé au bagne. Enfin, plus exactement, il est chargé de mettre en place la Cour d’appel de Cayenne en Guyane, ancien siège du célèbre bagne d’outre-mer.
Pisté, mais pas écouté
Mais nous ne sommes pas pour autant dans le cas d’un système d’écoutes téléphoniques, comme c’était le cas sous Mitterrand et l’affaire du Rainbow Warrior. Là, les journalistes avaient carrément été placés sous écoute.
Ici, on cherche à identifier les informateurs des journalistes, ce qui est différent. Mais tout aussi grave.
Car cibler les informateurs, c’est priver les journalistes de leurs sources, et le citoyen de ses informations indépendantes.
Dans l’affaire Bettencourt, je vous rappelle que l’Elysée est soupçonné d’être une taupe… du Figaro. Lorsque le quotidien a publié le procès verbal de Claire Thibout, la comptable de Bettencourt, qui revenait sur une partie de ses déclarations à Médiapart, c’est Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, qui aurait fait passer le procès verbal.
Nous voyons le danger que représenterait une enquête où le pouvoir exécutif laisse filtrer ce qui l’arrange.
Ce qui prouve bien d’ailleurs que dans cette affaire Woerth-Bettencourt, le pouvoir a des choses à cacher.
Un détournement des missions de la police
Est-ce vraiment illégal de chercher à identifier des fonctionnaires qui ne respectent pas leur devoir de réserve ? Non. Mais il y a des procédures judiciaires pour cela. Une plainte a d’ailleurs été déposée début août pour violation du secret de l’instruction. Ce qui est en cause ici, c’est l’utilisation de moyens policiers par le pouvoir exécutif, sans contrôle ni règle. Les services secrets ne peuvent pas être utilisés directement par le pouvoir, sauf dans le cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. L’affaire Woerth-Bettencourt menace-t-elle la sécurité de l’Etat ? Non.
On est dans le cas ici d'un détournement pur et simple des missions de la police nationale à des fins politiquement partisanes et au service d'intérêts privés.
De surcroît, il y a aussi la violation de la protection des sources des journalistes, garantie offerte aux citoyens de pouvoir alerter l'opinion. La plainte contre X du Monde s'appuie sur la loi du 4 janvier 2010 qui dispose : « Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public ». La loi considère comme « une atteinte indirecte au secret des sources le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste ».
Alors pour le plaisir, je vous propose de revoir l’une des promesses de Nicolas Sarkozy en 2007 dans un clip officiel de campagne.