Eric Woerth poussé à la retraite par l'affaire Bettencourt

par Clément Guillou

PARIS (Reuters) - Eric Woerth est sorti dimanche du gouvernement français après huit mois compliqués au ministère du Travail, où il a dû défendre la réforme des retraites en même tant que sa probité dans l'affaire Bettencourt.

Eric Woerth, qui souhaitait rester, subit les conséquences de révélations sur ses présumés conflits d'intérêts qui l'ont considérablement affaibli, au point de ne plus être considéré par les syndicats comme un interlocuteur valable.

Après avoir expliqué la réforme des retraites aux Français, il pourrait être amené à rendre compte devant la justice de ses relations avec l'entourage de l'héritière de L'Oréal.

Depuis le dernier remaniement, qui consacrait une fulgurante ascension dans les sphères du pouvoir, son destin politique s'est considérablement assombri, bien que Nicolas Sarkozy ait choisi de le maintenir en place jusqu'à l'adoption de la réforme des retraites au lieu de le lâcher en pleine polémique.

Dans les manifestations contre la réforme des retraite, la figure d'Eric Woerth a été associée à celle du président sur les faux billets de 500 euros, devenant un poids pour l'exécutif.

En septembre, 60% des Français réclamaient un autre ministre pour mener la réforme et l'opinion défavorable à son égard est passée de 32% en mai à 53% en novembre (Ipsos).

Le destin d'Eric Woerth dans le gouvernement Fillon bascule le 16 juin, lorsque le site internet d'information Mediapart publie des enregistrements pirates de conversations entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune Patrice de Maistre.

ARGENT

L'information judiciaire ouverte depuis le concerne au titre du trafic d'influence, en raison de la Légion d'honneur qu'il a appuyée et remise à Patrice de Maistre et de l'embauche par ce dernier de sa femme, Florence Woerth.

En tant que trésorier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, il est également concerné par les accusations de versements en espèces pour cette campagne.

Eric Woerth est enfin mis en cause dans la vente, qu'il a autorisée au ministère du Budget, d'une grande parcelle de la forêt de Compiègne comprenant un golf et un hippodrome.

Depuis trois ans, l'ascension politique d'Eric Woerth était rapide, à tel point qu'on le citait avant l'affaire Bettencourt parmi les candidats à Matignon pour la fin du quinquennat.

Âgé de 54 ans, ce fils de médecin a gagné ses galons en gérant l'argent de la droite française.

Ancien directeur financier et administratif du RPR à partir de 1993 et ex-conseiller à Matignon d'Alain Juppé après 1995, Eric Woerth est un intime de l'ancien Premier ministre.

Un inconditionnel de Jacques Chirac, aussi. En 2002, il fonde le Club de la Boussole, qui rassemble alors une quarantaine de députés UMP "réformistes" ayant juré fidélité à l'ancien président, puis à Dominique de Villepin.

Eric Woerth s'est rapproché de Nicolas Sarkozy après son accession au poste de trésorier national de l'UMP, en 2002. Il était l'homme de confiance du président du parti, qui n'aimait pas entendre parler d'argent pendant la campagne.

RELATIONS DIFFICILES AVEC LES SYNDICATS

Il devait notamment assurer les négociations financières et faire appel aux donateurs, les plus généreux étant regroupés au sein du Premier Cercle.

C'est par cette fonction de trésorier qu'il est monté dans la hiérarchie sarkozyste, par elle aussi qu'Eric Woerth est tombé. Il en a démissionné en juillet, après que Nicolas Sarkozy le lui eut "conseillé" en direct à la télévision.

Tout naturellement, c'est au Budget qu'Eric Woerth a obtenu son premier maroquin. Il s'est fait l'apôtre de la rigueur budgétaire, sans toutefois parvenir à juguler la dérive des comptes publics depuis le début du quinquennat.

Au ministère du Travail, les syndicats ont rapidement dénoncé une parodie de négociation sur les retraites et son principal souci a été d'expliquer la réforme sans relâche.

Né à Creil, Eric Woerth est maire de Chantilly depuis 1995 et député de l'Oise depuis 2001. Diplômé de HEC et Sciences-Po Paris, il a fait carrière dans le conseil en marge de son parcours politique, chez Arthur Andersen et Pechiney notamment.

Ce passionné d'alpinisme, père de deux enfants, aime aussi l'écriture. Il a publié un essai sur le duc d'Aumale, richissime collectionneur qui a rendu son lustre d'antan au château de Chantilly.

Edité par Yves Clarisse