Cumul des mandats : le Sénat fait de la résistance

Les Coulisses de la Politique, c'est tous les matins à 7h25 avec Véronique Jacquier. - -
Si vous saviez ce que j'ai entendu ! Qu'ils soient de gauche ou de droite, la même complainte ! Les sénateurs sont malades d'examiner ce texte. Il y en a un qui m'a dit: « On touche à notre ADN, c'est bon pour les députés mais pas pour nous ». Le Sénat, à partir d'aujourd'hui, c'est un camp retranché.
Mais pourquoi les sénateurs se mettent-ils dans cet état ? Pourquoi eux et pas les députés qui ont voté le texte en première lecture ?
Les sénateurs estiment qu'ils ont droit à une sorte d'exception culturelle. Ils sont élus par des grands électeurs (des conseillers municipaux, des conseillers territoriaux, etc.). Ils représentent les collectivités locales. Ce serait aberrant qu'un maire ne siège plus au Sénat, voilà ce qu'on m'a dit. Les plus remontés sont les 18 sénateurs du groupe des radicaux de gauche. Mais en coulisses, il y a beaucoup de socialistes qui rechignent à voter la loi. Ils ont le doigt sur la couture car le non cumul est une promesse de campagne de François Hollande mais ils n'en pensent pas moins. Le premier à mener la fronde, c'est le patron des sénateurs PS François Rebsamen.
Mais Manuel Valls a calmé tout le monde hier. Il a dit: le non cumul s'appliquera aux sénateurs ! Alors pourquoi persévèrent-ils ?
Je suis allée à la pêche aux réactions...Et c'est toujours la même inquiétude. « On veut faire de nous des élus hors sol, déconnectés du quotidien des Français ». « Avec le non cumul, vous n'aurez que des professionnels de la politique », a prévenu un socialiste. A droite, la peur, c'est de voir arriver la proportionnelle au parlement. « On va nous dire: pour être élu, pas besoin d'une campagne locale, autant figurer sur la liste d'un parti, la proportionnelle c'est le rêve de la gauche ». Voilà ce que j'ai entendu de la part d'un UMP.
Mais le gouvernement dit que c'est pour qu'ils travaillent mieux, et pour un renouvellement de la classe politique.
Et bien la plupart des sénateurs pensent tout le contraire, ils trouvent que la promesse de campagne de François Hollande est démago. Et s'ils sont dégoutés, c'est parce qu'ils auraient préféré qu'on remette à plat le statut de l'élu. Le non cumul c'est une aberration. Il va y avoir encore plus d'élus dans le pays. On en a déjà 600 000 ! La plupart des parlementaires sont pour un grand ménage dans le mille-feuille territoriale.
On a compris que les sénateurs avaient des arguments, mais l'adoption du projet de loi est inéluctable
Les sénateurs socialistes ont la liberté de vote, donc le projet de loi peut être rejeté. Dans ce cas, les députés auront le dernier mot. Mais la fronde n'est pas terminée. Les sénateurs préviennent : si la loi est votée, ils saisiront le Conseil constitutionnel. François Hollande peut commencer à s'inquiéter.