Christine Boutin: « Il faut permettre aux français d'être propriétaires »

Christine Boutin, mimnistre du Logement et de la ville. - -
J-J B : Vous n’avez pas de leçon de sensibilité à prendre si j‘ai bien compris... [C. Boutin avait réagit sur l’intervention à Aubervilliers de Rama Yade en attribuant cette « erreur » à son manque d'expérience et lui avait conseillé de ne pas se laisser aller à l'émotion, ndlr]
C B : Cette affaire est classée pour moi, j’aime beaucoup Rama Yade ; ce qui est important c’est qu’on arrive à résoudre le problème d’Aubervilliers. M. le Préfet Balland a pris en charge ce dossier.
J-J B : On peut juste dire que la prochaine fois elle viendra vous voir avant de s’en mêler comme elle l’a fait ?
C B : Il n’y a aucun problème entre nous, Rama est une collègue très sympathique.
J-J B : Parlons de logement : vous êtes allée en Espagne où il y a 86% de propriétaires contre 56% en France. Les espagnols peuvent réduire jusqu’à 15% du montant de leurs intérêts d’emprunts, jusqu’à concurrence de 1400 euros par an. Est-ce qu’on va faire de nouveaux efforts dans ce domaine là ? Si j’ai un revenu même raisonnable, si je suis locataire et que je veux me loger c’est très compliqué…
C B : Le Président de la République a dit pendant sa campagne présidentielle qu’il souhaitait que la France devienne un pays de propriétaires. Donc effectivement l’Espagne est un modèle intéressant, cela dit, ce qui m’a surtout frappé c’est le mode de financements de cet immobilier, qui a montré que le logement est facteur de croissance. Il est donc indispensable que le logement devienne une priorité dans ce pays, car, à côté de la valeur travail qui a été parfaitement développé par le Président et qui a été pris par les Français à la suite de sa campagne et de sa responsabilité présidentielle, je pense qu’il faut le logement. Et en Espagne, on nous montre que le logement a eu un effet détonateur. Tout le monde montre l’Espagne comme un exemple de créativité, de développement, et c’est le logement qui a permis ça
J-J B : Mais avec beaucoup de prêts hypothécaires ?
C B : Oui mais les prêts hypothécaires ne sont pas du tout gênants.
J-J B : Avec des banques qui prêtent sur quarante ou cinquante ans ?
C B : Oui mais ce qui montre bien que la réalité d’aujourd’hui est une réalité de l’argent. En France on commence à avoir des prêts sur plusieurs dizaines d’années. Je pense qu’il y a toujours un problème au niveau du partage des richesses et je pense qu’un jour viendra où il faudra vraiment se poser la question de l’argent et de sa valeur.
J-J B : Quand la première mesure prise par le Président c’est le bouclier fiscal, on n’aborde pas vraiment la question du partage de l’argent.
C B : Il faut aller petit pas à petit pas pour que les choses soient bien comprises. Cette mesure est une mesure fiscale. Je suis heureuse de cette décision, dans la mesure où, grâce à l’interrogation qui a été posée par le Conseil Constitutionnel, pour les petits, pour les faibles, pour ce qui n’ont pas beaucoup de revenus, elle est favorable aux plus fragiles de notre pays.
J-J B : Le problème en Espagne est qu’il y a moins de locataires et que quand on est jeune on est obligé d’habiter chez ses parents.
C B : Je me suis aperçue d’un autre problème quand je me suis rendue en Espagne, c’est que s’il y avait 86% de propriétaires, en fait les espagnols se posent beaucoup de questions et nous en France nous avons beaucoup de chance par rapport à eux, parce qu’eux n’ont pas, sur le marché du logement, différentes catégories. Ils n’ont quasiment pas de locations, ils n’ont pas de parc social, alors que nous nous avons les HLM, un parc locatif, un parc de privés propriétaires. Je pense qu’il faut que nous fassions un effort pour que le logement ne soit pas aussi lourd dans le budget des familles mais je pense qu’il ne faut surtout pas que l’ensemble de notre parc soit un parc propriétaire. En tout les cas c’est vraiment le message que les espagnols m’ont passé qu’ils soient de Droite ou de Gauche, parce que là, il arrivent à un blocage, en particulier les jeunes, qui n’arrivent pas à quitter leur maison.
J-J B : Donc il faudrait une France de propriétaires mais dans certaines limites ?
C B : Je pense qu’il faut donner aux Français cette perspective de devenir propriétaire, mais, en fonction des tranches d’ages, nous avons déjà cette perspective. Il faut augmenter notre moyenne nationale.
J-J B : Concrètement, est-ce que vous allez changer la loi qui oblige les communes à avoir au moins 20% de logements sociaux sur leur territoire ou les obliger à mieux la respecter ?
C B : Mon objectif n’est pas de mettre mon nom sur une loi, mais de faire en sorte que tous les Français, hommes, femmes, enfants, trouvent un logement dans ce pays. C’est-ce qui me parait le plus important. Depuis ces quatre mois où je suis en responsabilité ministérielle, j’ai beaucoup auditionné et écouté les uns et les autres, tous les partenaires qu’ils soient publics ou privés, que ce soient les élus ou les financeurs, et je m’aperçois que tout le monde a envie de travailler ensemble ; c’est-ce que je vais mettre en place. Pour répondre de manière concrète à votre question, je ne reviendrais pas sur la loi SRU et je la ferai appliquer. Je vais mettre tout le monde ensemble.
J-J B : Et qu’allez vous faire avec ces communes qui paient des amendes plutôt que de construire des logements sociaux ?
C B : Le problème n’est pas de mettre en accusation les uns par rapport aux autres, le problème du logement est une crise nationale, il faut absolument que nous y répondions mais il ne s’agit pas de montrer du doigt les uns ou les autres, d’autant plus que les citoyens ont leur part de responsabilité. Car ceux qui ont un logement aujourd’hui n’acceptent plus qu’on construise à coté d’eux, et les maires ont beaucoup de difficultés à construire aussi à cause des réticences de leurs habitants. Il faut donc que, ensemble, nous prenions la mesure de la dimension sociale et morale que nous avons, de construire. On ne peut pas s’intégrer dans une société si l’on n'a pas de logement. Je suis heureuse de constater que tous les partenaires ont envie d’avancer ensemble et il va y avoir des propositions très concrètes qui vont être faites. Dans ma conception du logement, aujourd’hui le gros problème c’est que toute la chaîne du logement est embolisée et qu’il n’y a aucune fluidité. Il faut regarder le logement de celui qui n’en a pas à celui qui est très bien logé car ce dernier peut très bien, un jour, se retrouver sans logement. Il faut donc avoir une vision globale.
J-J B : Certains propriétaires ne veulent plus louer…
C B : On va essayer de leur trouver des réponses. Certains d’entre eux ont été grugés par des locataires donc il faut donner un certain nombre de garanties. On va mettre en place la garantie du risque locatif, que nous allons rendre universelle. Je pense que les propriétaires vont avoir une satisfaction, une fois que ces partenariats vont être signés, je compte beaucoup sur eux pour libérer les logements qui sont actuellement vacants et qui ne sont pas occupés. Le Président de la République et le Premier Ministre m’ont donné un superbe objectif très ambitieux et difficile à atteindre qui est de 500 000 logements. Cet objectif est indispensable pour que tout le monde soit logé, or, même si tout le monde se met en route, la construction d’un logement demande plusieurs mois.
J-J B : Mais deux millions de logements vides ne sont même pas recensés !
C B : Il n’y en a pas deux millions, il y en a un certain nombre. Vous me parlez en particulier des propriétaires privés, il y en a à peu près trois cent mille. Je pense qu’avec les mesures que nous allons proposer telle que la garantie du risque locatif et un certain nombre d’accords, nous pouvons avoir rapidement une centaine de milliers de logements qui sont actuellement inoccupés sur le marché. Cent mille logements, ça me permet de redonner une fluidité à l’ensemble de la chaîne du logement. A partir de ce moment là je peux davantage répondre aux obligations.
J-J B : Qu’en est-il du coût ?
C B : Mais il n’y a pas uniquement un problème de coût
J-J B : « 25 milliards d’euros d’ici dix ans » disent les spécialistes du logement…
C B : C’est quelque chose qui participera à la croissance de toute façon. Il y a un vieux dicton qui dit que « quand le bâtiment va, tout va » et moi je veux que le bâtiment aille encore mieux pour que la France aille mieux aussi.
J-J B : Si j’ai un revenu même raisonnable, si je suis locataire et que je veux me loger c’est très compliqué…
C B : Vous avez raison c’est très difficile. Il faut savoir qu’aujourd’hui en France, 72% de la population répond aux critères d’attribution du logement HLM. 22% y accèdent. Dans un monde où il n’y a pas suffisamment de logements, il est évident que le marché fait que les loyers sont exorbitants. Il faut absolument répondre à cette problématique et je pense que la seule réponse véritablement efficace c’est la construction de logements, car aujourd’hui comme il n’y a pas d’offre de logement, le coût est très élevé. Plus on construira et plus le prix de l’immobilier pourra baisser.
J-J B : Où en êtes-vous avec les cautions ?
C B : Justement le problème de la garantie du risque locatif va remettre en cause tout ce système, puisque nous assurerons les propriétaires. Étant assurés, il n’y aura aucune raison qu’il redemande une caution de garantie.
J-J B : Est-ce qu’on peut demander un plafonnement de la caution ?
C B : J’espère que ce système, dès janvier, sera une bonne solution aux problèmes de cautions, souvent exorbitantes.
J-J B : Parlons de la TVA Sociale ?
C B : Le Président de la République en avait parlé pendant sa campagne, ensuite on a dit que c’était abandonné, puis c’est revenu en discussion. La TVA Sociale est une idée nouvelle, qui touche à l’allégement des charges des entreprises et qui permet de rétablir une égalité entre les produits importés et exportés. Cela me semble être une idée intéressante mais comme toutes les idées nouvelles, ça inquiète un certain nombre de personnes. Avec le forum des républicains sociaux de mon parti qui est associé à l’UMP, nous portons la TVA Sociale. Nous allons même plus loin puisque nous soutenons le dividende l’Universel qui est un nouveau partage de la richesse et qui me semble inéluctable.
J-J B : C’est-à-dire ?
C B : Le dividende Universel, c’est assurer à tous de ne jamais tomber dans l’extrême précarité.