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Choisir l'emplacement de son QG, un casse-tête risqué pour les partis politiques

Le siège historique du Parti socialiste, rue de Solférino à Paris.

Le siège historique du Parti socialiste, rue de Solférino à Paris. - Martin Bureau - AFP

Alors que le siège historique du Parti socialiste est officiellement en vente, des voix appellent à déménager dans un quartier plus populaire que le 7e arrondissement de Paris. Au risque de s'éloigner trop des lieux de pouvoir?

La fin d'une époque. Ce mercredi, l'annonce d'un appel d'offres pour la vente du siège du Parti socialiste a été diffusée dans la presse. Depuis 1981, le parti occupait l'immeuble du 10 rue de Solférino, dans le très chic 7e arrondissement de Paris. Mais avant que la mise en vente soit officielle, la question d'un déménagement du QG se posait déjà, certains plaidant pour un endroit moins cossu et plus populaire, reflétant davantage la politique de gauche que souhaite incarner le PS. Le choix de l'emplacement d'un siège est une question stratégique, parce qu'elle doit répondre à des impératifs pratiques, mais surtout parce qu'elle est porteuse de symboles.

Durant l'été, le débat interne au PS a pris une nouvelle dimension. François Kalfon, membre de la direction collégiale du parti et Olivier Faure, chef de file des députés socialistes à l'Assemblée, plaidaient pour un changement radical.

"On ne peut pas durablement diriger la gauche depuis les beaux quartiers de Paris, depuis le 7e arrondissement", affirmait le premier sur BFMTV début août. "Je crois que nous devons faire passer le message d’une modestie que nous n'avons pas toujours eue et d’une capacité à retrouver nos propres bases, qui ne se trouvent pas dans le 7e arrondissement", lui emboîtait le second, sur RMC. 

"On n'a aucune leçon à recevoir"

En 2015, le collectif "Inventons demain", qui réunissait des jeunes socialistes au sein du parti, appelait tout bonnement à un déménagement en banlieue. "Si le message, c'est 'on déménage loin des lieux de pouvoir', il sera compris comme tel par les Français", prévient Eduardo Rihan-Cypel. Contacté par BFMTV.com, le secrétaire national du PS plaide pour un compromis: un déménagement vers une zone plus populaire oui, mais dans Paris, à quelques stations de métro de l'Assemblée, du Sénat ou de l'Elysée, par exemple dans "le 10e arrondissement". "On est très bien implantés dans les villes populaires, donc on n'a aucune leçon à recevoir", estime-t-il, regrettant la "naïveté" et la "démagogie" d'une option qui reviendrait à éloigner le parti.

"La pire des choses serait que symboliquement le PS s'éloigne des lieux de pouvoir, qu'on abandonne, qu'on se réfugie sur un Aventin".
"Le PS peut gouverner depuis le 7e arrondissement. Le plus important, c'est la ligne politique, les gens ne vont pas recommencer à voter pour nous parce qu'on s'installe chez eux", nuance l'ancien député.

"Aller en banlieue serait une bonne idée"

Pour Jean Garrigues, professeur d'histoire à l'Université d'Orléans et à Sciences Po Paris, l'installation du parti en dehors de Paris ne serait pourtant pas la pire des solutions. "Dans la conjoncture actuelle, et dans la perspective de la reconstruction de l'image du PS comme une force d'opposition, le fait d'aller en banlieue serait une bonne idée", avance-t-il, contacté par BFMTV.com. En revanche, il considère que le parti n'est pas très exposé au risque de "disparaître" du paysage politique s'il se décentrait trop. "Le PS est à l'abri car il repose sur une histoire séculaire et dispose de réseaux d'élus non négligeables", analyse l'historien. Un diagnostic qui varie bien sûr d'un parti à l'autre.

Comme le rappelle Jean Garrigues, la question de la proximité avec le pouvoir n'est pas la même pour un parti d'opposition, de contestation ou de la majorité. Pour le trésorier des Républicains, qui songent eux aussi à déménager de leur siège du 15e arrondissement de Paris, trop grand, "un parti national doit être près des élus et des acteurs de la politique nationale".

"Un parti doit être en prise avec les Français et être la courroie de transmission entre eux et le pouvoir. Donc il se doit d'être proche des lieux de pouvoir", insiste Daniel Fasquelle, contacté également. 

LR et le FN songent à déménager aussi

Sans compter les impératifs financiers et pratiques. "L'Assemblée et le Sénat sont dans des quartiers chers, mais on peut chercher un siège un peu plus loin que le centre. Il faut cependant penser aux militants de province, près du centre se trouvent les gares", ajoute le candidat à la présidence du parti de droite. 

Au Front national, dont le siège se trouve à Nanterre, les questions pratiques prennent le dessus sur la dimension symbolique. "Nous nous moquons des lieux de pouvoir, nous voulons les transports en commun, nous ne sommes pas très bien desservis à Nanterre", regrette Wallerand de Saint-Just, le trésorier du parti, auprès de BFMTV.com. La formation serait elle aussi à la recherche de nouveaux locaux, dans l'ouest parisien. Pour Jean Garrigues, il ne serait pourtant pas absurde que le FN reste à Nanterre, un lieu plus populaire que son emplacement du "Paquebot" de Saint-Cloud. Le déménagement précédent avait d'ailleurs pris une signification politique puisqu'il a correspondu avec la rupture entre Marine et Jean-Marie Le Pen. 

La France insoumise à Marseille, un choix "logique"

Quant à La France insoumise, installée le temps de la campagne dans Paris, elle a fait savoir qu'elle souhaitait installer ses locaux à Marseille, dans la circonscription de Jean-Luc Mélenchon. Un double choix qui éloignerait le parti de la capitale autant qu'il le replacerait dans un contexte local particulier. "Il y a à Marseille une tradition contestataire de gauche, avec des quartiers qui étaient auparavant communistes", rappelle Jean Garrigues, qui voit dans ce choix une certaine logique. "C'est une ville qui colle à la gauche populiste et tribunicienne de Jean-Luc Mélenchon", ajoute-t-il. Quant au risque inhérent à ce choix, il est quasi-inexistant pour ce parti, d'après l'historien.

"La France insoumise est le parti d'un homme, elle est là où est Jean-Luc Mélenchon", conclut l'enseignant. 

Charlie Vandekerkhove