« Beaucoup d’illusions, peu de réalité ! »

« Beaucoup d’illusions, peu de réalité ! » - -
J-J B : Le budget de 2008 est-il un budget de rigueur ?
F B : De toutes façons ce sera nécessairement un budget de rigueur qu’on l’annonce ou pas. La situation de la France est telle que le Premier Ministre a été amené à dire que l’Etat était en faillite. Evidement, c’est un constat qui ne va pas bien avec les premières mesures qui ont été prises par le Gouvernement. Comme si tout allait bien dans notre pays et comme si l’on pouvait multiplier les cadeaux fiscaux en direction de ceux qui étaient déjà les plus favorisés. Ça a d’ailleurs amené le Ministre des Finances allemand à dire à Nicolas Sarkozy qu’il faisait des cadeaux à sa clientèle électorale et qu’il ne respectait pas les engagements de la France. Mais évidemment la réalité rattrape toujours la fiction. Les illusions ne tiennent pas et on se retrouve comme on l’a été en 1995 ou à d’autres époques : on fait beaucoup de promesses, on fait rêver les électeurs et le moment vient où l’on est obligé de faire ça sans réalité. J’aurai préféré, et de loin que l’on fasse en sorte que le pays prenne conscience plus tôt, pendant la campagne électorale de la situation réelle, du déficit et de la dette. De manière que l’on ait une politique courageuse pour remettre en ordre notre pays et pour que l’on puisse regarder en face, à la fois la réalité et nos enfants.
J-J B : Mais Nicolas Sarkozy a engagé de nombreuses réformes comme les heures supplémentaires défiscalisées par exemple. C’est une bonne réforme, efficace ou non ?
F B : Je pense que la défiscalisation d’une partie des revenus du travail se révélera au bout du compte n’être qu’une illusion. Parce que tout le monde n’y a pas accès. Il y a des gens qui peuvent faire des heures supplémentaires parce que leur entreprise se porte bien. il est légitime qu’ils les fassent. Mais leurs voisins, dont l’entreprise fonctionne moins bien, vont devoir payer l’impôt sans diminution. Je ne crois pas que ce soit juste. Autant il était légitime de faire que les heures supplémentaires ne coûtent pas plus chers aux entreprises que l’heure normale, autant faire des cadeaux fiscaux à ceux qui peuvent en recevoir et ne pas en faire aux autres… ça ne me paraissait l’orientation à privilégier. La charge va être injustement répartie.
J-J B : Vous êtes dans l’opposition ou dans la majorité ?
F B : Je pense que les mots sont inexacts. il y a des gens qui sont au pouvoir et des gens qui sont hors du pouvoir. C’est ce que j’ai choisi, même si je me considère responsable de l’avenir du pays à l’égal de ceux qui sont au pouvoir.
J-J B : Est-ce que vous approuvez certaines mesures ?
F B : Oui, je les approuve et j’y aiderai chaque fois que nécessaire.
J-J B : Lesquelles par exemple ?
F B : Quand le moment viendra de faire une réforme sérieuse des retraites, si le gouvernement va dans le bon sens, je le soutiendrai.
J-J B : Ca veut dire quoi le bon sens ? L’équilibre en 2012 comme le promet François Fillon ?
F B : On ne sera pas en équilibre en 2012, ce sont des histoires. Je ne crois pas qu’on arrivera à un équilibre sans réforme sérieuse. Hier, François Fillon a écarté une idée que pourtant je crois juste qui est celle de retraites par points. C'est-à-dire qui garantissent à chacun de vrais droits et pas des droits constamment remis en cause. Que chacun sache exactement où il en est devant la retraite et quelle sera la retraite qu’il recevra. François Fillon a écarté ça en disant que ce n’était pas la tradition française, et qu’il fallait en rester à la tradition. Je pense pourtant que c’est une voie juste et je regrette que notre Ministre l’ait écartée. D’une manière ou d’une autre on y reviendra, on ne va pas rester en déséquilibre des retraites.
J-J B : Est-ce que vous voterez le texte de loi, le jour où il y en aura un dans les régimes spéciaux ?
F B : Ce qu’on nous annonce, c’est qu’il n’y aura pas de loi.
J-J B : Vous trouvez que le Gouvernement agit bien ? Qu’il a pris le dossier des régimes spéciaux dans le bon sens, que le dialogue est bien installé ?
F B : S’il y a un dialogue suffisant à l’intérieur des entreprises je pense que ce serait la bonne direction à suivre. Les régimes spéciaux des uns n’ont rien à voir avec les régimes spéciaux des autres. Il y a des métiers pénibles qui les méritent et d’autres qu’il faut aligner sur le cas le plus général. Il y a aussi le fait que lorsqu’ils ont signé leur contrat au départ, les personnes l’ont fait avec l’engagement qu’ils auraient pour la retraite des conditions particulières. Je ne veux pas que l’on néglige cela. C’était la raison pour laquelle, dans la souplesse d’une retraite par points, on pouvait prendre en compte ce genre d’engagement. Par exemple quelqu’un qui a fait 38 ans à l’intérieur d’une entreprise avec l’espoir qu’il pourrait prendre sa retraite à 55 ans, il faut tenir compte de ses années de travail dans l’entreprise. J’aurai voulu que la réflexion sur les retraites prenne en compte la diversité des situations : pénibilité de l’emploi, temps passé dans l’entreprise avec le contrat qui prenait en compte la retraite et réalité économique qui fait qu’il y a de plus en plus de personnes âgées et qui fait qu’il y a aussi beaucoup d’emplois qui sont pour l’instant surchargés.
J-J B : Est-ce qu’il y aura des accords possibles en le MoDem et le PS au municipales ?
F B : Des accords possibles locaux entre l’UMP et le MoDem et entre le MoDem et le Parti Socialiste. Je souhaite que chaque fois que ces accords interviennent, les listes soient le plus large possible. Parce que je ne crois pas que l’approche pour une élection locale ou municipale doit être seulement politique ou plus exactement je ne crois pas que l’approche doit être partisane. Je pense que ce qui compte dans une ville, c’est la vie de ceux qui y vivent et qui la forment. Je suis en effet pour qu’on puisse avoir des rassemblements plus larges qu’un camp contre l’autre.
J-J B : Pour Paris vous choisissez l’UMP ou Bertrand Delanoë ?
F B : A Paris, j’espère que les listes autonomes que nous présenterons dans chacun des arrondissements convaincront les parisiens. Que la question ne sera plus à qui on se rallie mais qui se rallie à nous.
J-J B : Même chose dans les autres grandes villes de France, vous avez déjà choisi ?
F B : Vous voyez bien que vous enfermez le sujet et je n’ai pas l’intention d’enfermer le sujet. Il y a des maires responsables et menant des politiques positives pour les villes et je n’ai pas envie d’enfermer les discussions comme ça. L’idée qui est la mienne, est que dans le plus grand nombre de villes en France, nous présentions aux électeurs des listes qui enfin auront une approche non partisane, je n’ai pas envie que les mairies soient uniquement un jeu d’étiquette. Les écoles, le plan de circulation, l’urbanisme, le logement dans les villes, les déplacements, tout ça ne répond pas selon moi à une simple étiquette. Ce n’est pas un jeu uniquement entre les partis politiques et c’est comme ça que nous allons aborder les élections municipales.
J-J B : Azouz Begag est candidat à Lyon et il veut faire de Lyon une ville anti-Sarkozy, il a raison ou tort ?
F B : Il a tort, avec beaucoup d’amitié pour lui, je veux lui dire que ça n’est pas la bonne approche. On ne va pas recommencer à faire comme ça du camp contre camp, du tous contre un ou un contre tous. Pour moi, ce qui compte dans une élection municipale à Lyon, ce n’est pas principalement la politique nationale, c’est la vie des Lyonnais. C’est dans l’idée que nous proposerons aux Lyonnais que se trouvera l’adhésion que les électeurs nous apporterons. Je refuse les attitudes sectaires. Les élections municipales c’est fait pour rendre meilleure la vie des gens dans une ville.
J-J B : Est-ce que Nicolas Sarkozy vous a fait une proposition lorsqu’il vous a reçu ?
F B : Comme Nicolas Sarkozy l’a dit à la télévision, je pense qu’il aurait souhaité que je rentre dans cette majorité nouvelle. Ce n’est pas mon approche. Je pense que ce dont la France a besoin c’est qu’on bâtisse ou qu’on offre aux français un choix différent du choix habituel.
J-J B : « Le temps médiatique du Président, surtout ses interventions à la télé, doit être pris en compte au même titre que le Gouvernement » dit François Hollande. Vous êtes d’accord ?
F B : Je pense que c’est principalement aux journalistes et aux rédactions qui s’inquiètent beaucoup aujourd’hui, de prendre en compte cet équilibre nécessaire. J’ai une certitude que j’ai exprimée devant le comité Balladur pour la Constitution : C’est qu’il va falloir que l’on y inscrive la défense du pluralisme dans les médias, des précautions contre une concentration et une influence excessive.
J-J B : Ça veut dire interdire à des grands groupes passant commandes avec l’Etat de posséder les médias ?
F B : Comme vous le savez c’était mon programme présidentiel. Je considère qu’il y a là un sujet qui doit inquiéter tout le monde : l’évolution du paysage médiatique avec des concentrations et des influences excessives, du monde de l’argent et de l’Etat. On doit protéger la liberté de l’information contre ces influences que tout le monde voit aujourd’hui se déployer. Vous avez pu voir que les syndicats de journalistes ont hier allumé un feu d’alarme sur ce sujet.
J-J B : Comment allez vous faire avancer le dossier de la proportionnelle aux législatives ?
F B : C’est en effet une question clé. Vous voyez bien que les institutions ne fonctionnent pas, que le pluralisme n’est pas défendu en France et que de ce point de vue-là, c’est donc un handicap pour notre pays. Il se trouve que si l’on ouvre le sujet de la réforme des institutions alors ça ne peut pas se faire sans que le gouvernement obtienne le soutien des parlementaires, soit du PS soit du MoDem de l’UDF. Je pense qu’il faut que nous exercions cette responsabilité. Si nous sommes la clé du changement des institutions, il faut que nous disions calmement et sereinement qu’il y a un certain nombre de points de passage obligés. Par exemple, que notre pays se dote d’une loi électorale plus juste qui fera que tous les grands courant d’opinion, ceux qui passent la barre de 5%, soient certains d’avoir une représentation à l’Assemblée Nationale. 5% c’est plus d’un million de français et quand vous êtes un million dans un courant politique il est légitime que vous soyez représentés. Nous allons aborder cette question mais il y en a d’autres, par exemple la défense de l’indépendance de la justice est pour moi aussi une question clé pour les institutions.