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Autonomie, statut de résident, mesures fiscales: que demandent les corses à Valls?

Gilles Simeoni sur le plateau de BFMTV-RMC, le 18 janvier 2016.

Gilles Simeoni sur le plateau de BFMTV-RMC, le 18 janvier 2016. - BFMTV

Les élus nationalistes corses Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, portés à la tête de l'île lors des élections régionales de décembre dernier, sont reçus lundi par le Premier ministre, Manuel Valls. Et les deux élus ont une demande claire: obtenir plus d'autonomie pour la Corse. Tour d'horizon de leurs arguments.

"La France est un pays ami" de la Corse. A quelques heures de sa rencontre avec Manuel Valls, l'élu nationaliste corse Jean-Guy Talamoni a donné le ton, lundi matin sur France info, en mettant sur un pied d'égalité la nation française et la "nation corse" défendue par les nationalistes, désormais au pouvoir sur l'île de Beauté. Derrière la boutade, Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni, le nouveau président du Conseil exécutif corse, espèrent bien obtenir du Premier ministre une plus grande autonomie pour la Corse. Que vont-ils demander? Que peuvent-ils obtenir?

L'inscription dans la Constitution d'un statut à part

"Bien sûr, il existe un peuple corse", a défendu Gilles Simeoni lundi matin sur BFMTV-RMC, évoquant "sa langue, sa culture et son histoire". Plus qu'un peuple, "une nation corse" même, a-t-il défendu. "Affirmer l'existence d'une nation corse est un fait objectif. A nous, responsables politiques et citoyens, de dire comment, dans le monde du 21e siècle, on peut être partie prenante de la nation corse et de la nation française."

Concrètement, Gilles Simeoni demande une révision de la Constitution française. "Beaucoup de solutions juridiques nécessitent une révision de la Constitution. (...) Il y a eu plusieurs révisions ces dernières années, pourquoi ne pas envisager une révision qui fasse sa place à la Corse?", a-t-il lancé sur BFMTV-RMC. Avec un objectif: faire de la Corse une région autonome, mais pas indépendante de la France.

"Je ne suis pas indépendantiste, je suis autonomiste. C'est la forme institutionnelle qui correspond le mieux à la réalité de la Corse aujourd'hui, a-t-il expliqué sur BFMTV-RMC. Nous sommes dans une approche qui n'est pas seulement idéologique mais aussi pragmatique. Nous voulons construire la Corse, nous voulons la développer au niveau de son économie, au plan social et de son ouverture avec la Méditerranée."

La reconnaissance de la langue corse

"De la même façon que la langue de la République française est le français, la langue du peuple corse est le corse", plaide Gilles Simeoni sans relâche depuis son élection. "La question qui se pose aujourd'hui c'est: est-on capable de trouver une organisation politique et administrative qui permettent aux langues de vivre et d'être employées indifféremment?", a-t-il expliqué la semaine dernière sur Europe1. Selon lui, il suffirait de créer un "statut de co-officialité" du corse et du français.

Mais la question semble déjà tranchée par Manuel Valls. "Il n'y a qu'une seule langue dans la République, c'est le français", avait-il asséné au JT de TF1, le 23 décembre dernier, en réagissant au choix délibéré de Jean-Guy Talamoni de prononcer son discours d'investiture en langue corse.

La création d'un statut de résident

Un des problèmes récurrents dénoncés par les Corses est la flambée du foncier, et les difficultés pour les habitants de l'île de se loger sur leur terre. Gilles Simeoni souhaite la création d'un statut de résident qui réserverait l'achat immobilier aux personnes résidant depuis plus de 5 ans sur l'île. Une mesure déjà votée par l'Assemblée de Corse.

"Nous allons en parler au Premier ministre. Le statut de résident -qui est une délibération de l'Assemblée de Corse- est une mesure qui vise à répondre à une situation d'urgence absolue", a-t-il plaidé. Un statut pour l'instant incompatible avec la Constitution. "Nous savons que la création d'un tel statut pose des problèmes constitutionnels, mais c'est contournable", a-t-il assuré. Là encore, une révision de la Constitution serait nécessaire pour autoriser l'Assemblée corse à mettre en pratique cette mesure, déjà adoptée.

Transfert du droit fiscal et préférence régionale

"Les Corses sont toujours dans une logique de dépendance par rapport à Paris. On entend: 'les Corses vivent aux crochets de l'Etat'. Or, nous ne voulons pas vivre aux crochets de l'Etat", a expliqué Gilles Simeoni lundi matin, plaidant pour le transfert du droit fiscal. Selon lui, un certain nombre de compétences fiscales qui peuvent être transférées, évoquant notamment la fiscalité du patrimoine et la territorialisation de la TVA.

"Ce qui est imposé localement peut être géré localement", a-t-il argué.

Autre point soulevé lundi matin par Gilles Simeoni, l'idée d'une "préférence régionale", même s'il réfute ce terme "qui rappelle trop les idées du Front national", qu'il condamne. Toutefois, il souhaite la mise en place d'une politique économique propre à la Corse. "Il faut prendre une certain nombre de mesures avec ce qui est la réalité du chômage en corse", a-t-il plaidé.

L'amnistie des prisonniers politiques

Avec la langue corse, c'est le principal point de crispation des discussions qui s'annoncent. Les élus corses en avaient fait une promesse de campagne durant les élections régionales, ils entendent désormais demander à Manuel Valls l'amnistie pour les prisonniers politiques, y compris pour Yvan Colonna.

"L'Etat doit faire un effort de ce côté-là", estime Gilles Simeoni, rappelant que le FLNC avait de lui-même mis fin à son activité clandestine, contribuant ainsi à "tourner ces pages d'affrontement". Mais la discussion pourrait bien tourner cours, Manuel Valls ayant affirmé qu'il n'y avait pas de prisonniers politiques en France.

Et les élus corses de menacer. S'ils n'étaient pas écoutés par le gouvernement, Jean-Guy Talamoni a indiqué sur France info qu'ils seraient "dans l'obligation d'aller à Bruxelles et dans les autres capitales européennes pour dire que la France, qui donne des leçons sur les Droits de l'Homme au monde entier" ne les applique pas pour "ce petit peuple corse qui est placé sous sa tutelle depuis le 18e siècle". Pour Jean-Guy Talamoni, la France ne peut pas être "dans le déni de démocratie". "On ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé en Corse, alors que les élus nationalistes sont aux responsabilités (...) Il faudra bien l'entendre du côté de Paris". Les discussions promettent d'être tendues.