Alain Juppé décrit comme un homme "solitaire" et "froid" par ses proches

Alain Juppé, maire de Bordeaux et candidat à la primaire à droite, en meeting à Cayenne le 3 avril 2016. - Jody Amiet - AFP
Réputé barricadé, Alain Juppé s'est pour une fois laissé approcher de très près. Celle qui a réussi à plonger dans son intimité est Gaël Tchakaloff, journaliste au Nouvel Economiste, dont le livre Lapins et Merveille, 18 mois ferme avec Alain Juppé (Flammarion) sort ce mercredi.
Autant touchant que grinçant selon les critiques, ce portrait du candidat à la primaire à droite recueille la parole des proches du maire de Bordeaux. Sans langue de bois, certains n'épargnent pas Alain Juppé, dont on se demande comment il a apprécié les avis laissés sur lui. Enfants, épouse ou encore ex-compagne, voici un florilège des citations les plus acerbes.
> Isabelle, sa femme depuis 1993: "Alain fait prévaloir la raison sur l'émotion"
"Ce qui caractérise le plus Alain, c’est son sang froid, y compris dans son rapport aux êtres. En dehors d’un petit cercle proche où l’émotion prime sur la raison, sur tout le reste, Alain fait prévaloir la raison sur l’émotion. C’est un personnage qui impressionne, qui intimide. En réalité, il anticipe son besoin de protection parce qu’il est ultrasensible. [...] Il donne tellement sur le terrain de l’intelligence qu’il lui reste très peu à donner ailleurs."
> Christine, son ancienne compagne: "un homme qui ne sait pas comment aimer":
"La relation d’Alain avec l’amour est compliquée, nous avons eu une relation passionnelle, passionnée, mais ensuite quand on vit avec lui, il ne sait pas comment aimer."
"Quand il était petit, il se déguisait en pape, c’est ce qu’il avait prévu de devenir. Il mettait tout le monde à genoux, les faisait communier, les commandait."
> Laurent, son premier fils: "un être solitaire"
"[...] Un handicapé des rapports humains. C’est un être solitaire. Les amis, ce n’est pas important pour lui. La famille, si. Je lui ai présenté certains de mes amis mais il ne s’en souvient pas. Il ne se souvient déjà pas des siens."
"Il m’a éduqué merveilleusement. Quand il était là, il était vraiment là, même si c’était un créneau du dimanche entre 9h04 et 11h12."
> Marion, l'une de ses filles: "il ne laisse pas de place aux autres"
«Il ne laisse pas de places aux autres, il n’écoute pas, même en famille. (…) J’ai l’impression de n’avoir reçu aucune affection de mon père dans l’enfance. L’impression d’avoir eu un père trop froid, trop absent, super-rigide, qui n’était pas intéressé par les enfants, même si je suis persuadée qu’il m’a aimée», a-t-elle confié dans l’ouvrage de Tchakaloff. Elle nuance ensuite : «Après réflexion, je peux dire qu’en fait, mon père a vraiment essayé d’être présent au cours de ma jeunesse, mais moi, j’étais dans l’opposition à l’autorité forte qu’il incarnait»
> Le socialiste Hubert Védrine: "il lui manque une empathie"
"Alain Juppé est le prototype de l’homme politique de la Ve République. Comme Valéry Giscard d’Estaing, c’est un technocrate de haut vol. Aujourd’hui, ce type de profil fonctionne moins bien. L’époque est populiste, hystérique, émotionnelle, violente, rythmée par la foire d’empoigne. Toute la question est de savoir comment Alain Juppé va gérer ce décalage entre ce qu’il est et ce qu’est notre époque. De ce point de vue, il lui manque une empathie à la Chirac ou à la Clinton."
> François Baroin acte sa rupture définitive:
"Je ne travaillerai plus jamais pour lui, même s’il est élu président de la République."
> Alain Juppé lui-même: "mon grand défaut, c’est l’orgueil"
"Mon grand défaut, c’est l’orgueil. J’ai une assez haute idée de ma personne, de ce que je peux faire, de ce à quoi je peux être utile. Ceci explique que par orgueil, je refuse de me compromettre, de me mettre au niveau de l’autre et que je m’enferme dans ma solitude."
A huit mois de la primaire à droite, les avis sont partagés quant à savoir si ce livre équivaut à une balle tirée dans le pied de l'ex-Premier ministre ou s'il ne lui permet pas plutôt de faire un bon coup de communication en laissant apparaître le côté humain de l'homme politique.