Vosges: l'enquête dans l'affaire de la "Manon des Sources" s'accélère

Anne-Marie Singer, l'exploitante de la ferme du Niederwyhl, en mai 2007. - -
Difficile de ne pas faire le lien avec Manon des Sources de Pagnol dans cette affaire d'empoisonnement d'une terre agricole, jusque-là renommée comme l'une des plus belles terres de Bourbach-le-Haut, dans le Haut-Rhin. Anne-Marie Singer, fille et petite-fille de paysans, s'était installée dans la ferme du Niederwyhl, une superbe bâtisse blanche du XVIIe siècle pour élever 200 moutons dans un domaine de 32 hectares de prés et de forêts.
Mais un à un, les 850 bêtes de l'exploitante sont toutes mortes, dès le début des années 1990, d'un mal mystérieux. Il faudra près d'une dizaine d'années pour en identifier la source: intoxication au sulfate de cuivre. Cette technique d'empoisonnement par dépôt de sels de cuivre est extrêmement ancienne. En contaminant les sources d'approvisionnement en eaux, et en épandant ce poison en surface, les occupants d'une terre sont condamnés à une mort lente. Aujourd'hui, Anne-Marie Singer est ruinée, et sa santé gravement impactée, tout comme celle de son ouvrier agricole, Frédéric Iltis.
Les pistes? Une ferme convoitée selon elle par certains qui voudraient la reprendre à bas prix, le tout sur fond de guerre entre chasseurs. Néanmoins, la piste de la pollution accidentelle ou plus ancienne ne peut toujours pas être écartée.
Auditions de témoins enclenchée
L'information judiciaire pour "tentative d'empoisonnement", ouverte en 2002, vient de prendre un grand coup d'accélérateur, rapporte Le Parisien: la gendarmerie commence les auditions des éventuels témoins de l'affaire, sur commission rogatoire de la juge d'instruction Valérie Messer-Pin. "Il y a une ancienne et grande omerta dans ce dossier. La vérité, comme cela est arrivé dans d’autres dossiers similaires, peut émerger à tout moment " avait expliqué à l'Alsace en octobre dernier le grand pénaliste William Bourdon, qui a décidé de s'occuper de ce dossier.
Une nouvelle expertise, rendue à la mi-décembre, a confirmé qu'Anne-Marie Singer et son ouvrier agricole Frédéric Iltis ont bien été empoisonnés aux sels de cuivre. Pire encore: la propre mère de la fermière, Marie-Jeanne Singer, qui vivait sous le même toit, est morte en 1992 dans des conditions suspectes. Une première expertise avait confirmé un lien de causalité entre ce décès et une intoxication chronique au cuivre. La juge d'instruction vient de commander une seconde expertise afin d'en avoir le cœur net.
De son côté le maire du petit village des Vosges depuis 2008, Joël Mansuy, s'est dit excédé à L'Alsace par la médiatisation autour de cette affaire qui fait passer de Bourbach-le-Haut "pour un village d’empoisonneurs". Pour lui, Anne-Marie Singer peut avoir été victime de l'usage massif de sulfate de cuivre par le passé. Il est temps que la justice, particulièrement lente à se mettre en branle dans ce dossier, fasse enfin toute la lumière sur cette affaire commencée il y a près de trente ans.