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Violences dans les rues: pourquoi Marseille brûle-t-elle?

Des policiers dans les quartiers nord de Marseille, l'an dernier.

Des policiers dans les quartiers nord de Marseille, l'an dernier. - -

Le gouvernement se rend mardi au chevet de Marseille, gangrenée par les règlements de compte et la petite délinquance. Un phénomène qui s'explique notamment par la pauvreté et l'implantation très ancienne de réseaux de grand banditisme.

Quartier de l'Estaque à Marseille, lundi, 22 heures. Un homme de 25 ans qui circule au volant de sa voiture est pris pour cible par deux tueurs à scooter, qui le criblent d'une dizaine de balles. La scène, d'une violence inouïe, s'ajoute à la longue liste de faits divers qui émaillent régulièrement la cité phocéenne.

Les règlements de compte entre caïds, treize depuis le début de l'année, ne sont pas l'unique plaie de la ville. La petite délinquance dans les rues est aussi monnaie courante, même si les vols avec violences ont diminué de 17% en 2013 selon le ministère de l'Intérieur. Pourquoi ce mal bien spécifique ronge-t-il la cité phocéenne? BFMTV.com fait le point.

> Une police dépassée

A un an seulement des municipales, la question des effectifs de police agite toute la classe politique locale, et empoisonne désormais le gouvernement. "Nous ne disposons que de 3.000 policiers nationaux pour une superficie de 240 km2. Insuffisant!", tonne l'adjointe au maire sur la sécurité, Caroline Pozmentier, jointe par BFMTV.com. "Il ne suffit pas de demander à l'Etat d'agir", répond Manuel Valls, qui rappelle que 205 agents supplémentaires ont été déployés depuis décembre dernier.

Christophe Crépin, de l'Unsa Police, va plus loin dans l'analyse. "Mettre du "bleu marine" dans la rue ne suffit pas. Il faut renforcer la police judiciaire, car c'est elle qui, dans l'ombre et en civil, enquête et permet d'identifier les zones de trafic et les délinquants. Grâce à ce travail d'investigation, la police en uniforme sera plus adaptée, et saura où et quand elle doit se trouver pour interpeller et faire tomber les réseaux. " Un appel qui pourrait être entendu: mardi, sur BFMTV, le ministre de l'Intérieur a annoncé le renforcement de la police judiciaire à Marseille.

> Une situation socio-économique catastrophique

La cité phocéenne est frappée par le chômage et la misère. Près de 30% de la population marseillaise vit sous le seuil de pauvreté fixé à 954 euros par mois, selon l'élu socialiste Patrick Mennucci, contre 13% au niveau national.

Une fracture très nette renforcée par un autre aspect, spécifique à Marseille: "la grande richesse y côtoie la grande pauvreté, et cela est un facteur évident de renforcement de la délinquance", décrypte pour BFMTV.com Laurent Mucchielli, sociologue spécialiste des violences en Paca. "Il y a un terreau très favorable".

> Une tradition de grand banditisme

"Il y a des réseaux criminels très anciens à Marseille, bien implantés, très riches, et qui utilisent un réservoir de main d'œuvre permanente dans les cités pour les missions les plus visibles et risquées, comme la revente de drogue", analyse Laurent Mucchielli. "Pour schématiser, les Corses de la French Connection des années 70's ont délégué le bas de leurs trafics à des jeunes d'origine maghrébine dans les cités. Des petits caïds qui se battent entre eux et font la une des journaux à travers des règlements de compte extrêmement médiatisés."

Christophe Crépon, policier depuis une trentaine d'années, ose même regretter ce grand banditisme d'antan. "Aujourd'hui, ces jeunes sont sans foi ni loi. Ils n'ont pas de code, pas de respect, pas de règles. Ils commencent très tôt et grimpent de manière fulgurante l'escalier de la délinquance, s'entretuant entre eux pour des vengeances minables".

> Une ville sans banlieue

"Marseille est une ville qui n'a pas de banlieue, puisqu'elles font partie de la ville", rappelle l'adjointe au maire, Caroline Pozmentier. L'une des villes les plus pauvres de France est aussi l'une des plus grandes, avec une surface 2,5 fois plus grande que Paris, et un centre-ville où le niveau d'inégalités sociales est très fort.

En décembre dernier, les quartiers nord et sud ont été placés en zone de sécurité prioritaire, permettant de concentrer les moyens de police. Un dispositif insuffisant pour certains élus de droite, mais aussi de gauche, comme Eugène Caselli, socialiste, qui réclament le placement de toute la ville en ZSP. Jusqu'à présent, Manuel Valls refuse.

Alexandra Gonzalez