Un rapport pointe le lien entre les grands réseaux de criminalité organisée et les achats de contrefaçon

"Aujourd'hui acheter une contrefaçon n'est plus un acte anodin, c'est financer le crime organisé, voire le terrorisme", a déclaré ce lundi 16 juin sur RMC, Delphine Sarfati-Sobreira, directrice générale de l'Union des Fabricants (Unifab).
Cette association française de lutte anti-contrefaçon qui regroupe 200 entreprises et fédérations professionnelles (parmi lesquelles Sanofi, Channel Ou Renault) a publié un rapport alarmant sur les liens de plus en plus étroits entre les grands réseaux de criminalité organisée et le domaine de la contrefaçon.
Selon l'Unifab, les grands réseaux intègrent de plus en plus la contrefaçon dans leurs domaines d'activités car cela est très rentable et peu risqué. Ils alertent donc les autorités françaises pour une prise de conscience et réclament des mesures pour lutter plus efficacement contre le phénomène.
6,7 milliards de pertes pour l'État français
Dans son rapport, l'Unifab rappelle qu'Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a confirmé, en mars dernier, que les douanes françaises avaient intercepté plus de 21,47 millions de produits contrefaits en 2024 pour une valeur estimée à 645,2 millions d'euros. Il s'agit de la cinquième année de hausse consécutive, portée notamment par la montée en puissance du commerce en ligne.
Selon le rapport, la contrefaçon infuse désormais tous les secteurs: le luxe, la maroquinerie et les cosmétiques mais aussi le secteur automobile ou encore les jouets.
À titre d'illustration, 5,76 millions de jouets contrefaits ont été saisis en 2024, soit 26,8% des saisies de cette année. 2,19 millions de cosmétiques et parfums contrefaits ont été saisis en 2024, ce qui représente 10,2% des saisies.
Les pièces automobiles sont également une branche lucrative puisque 80.000 pièces contrefaites ont été saisies, d'une valeur totale estimée à 4 millions d'euros.
Selon ce rapport, la contrefaçon coûte 6,7 milliards de pertes de ventes directes à l'État français, avec 38.000 emplois supprimés chaque année.
Techniques de groupes criminels à travers le globe
Le rapport de l'Unifab, qui cite des travaux menés par Europol, évoque les liens entre la contrefaçon et 31 grands groupes ou entités criminels.
Parmi eux, on retrouve par exemple La Camorra (Italie), les Triades Chinoises (14K, Sum Yee On), D-Company (Inde), certains cartels mexicains tels que ceux de Sinaloa ou de Jalisco mais aussi le Hezbollah ou le régime nord-coréen.
Pour écouler les fausses marchandises, les groupes criminels évoquent certaines techniques comme le "Bulk Breaking", qui consiste à fragmenter l'acheminement de composants via plusieurs pays pour masquer l'origine réelle du produit.
Les réseaux de contrefaçon ont développé des techniques pour s'adapter au marché économique mondial et détourner l'attention des douanes. Désormais, ils acheminent "des composants via plusieurs pays pour masquer l'origine réelle" et ont relocalisé "les unités de production aux portes de l'Europe", a détaillé sur RMC Delphine Sarfati-Sobreira.
Ils peuvent également faire du mélange de produits, c'est-à-dire intégrer des faux produits au milieu de marchandises authentiques dans les livraisons. Autre technique: l'exploitation des pénuries avec des groupes qui profitent des tensions sur certains secteurs pour écouler de la marchandise contrefaite.
Peu de poursuites judiciaires
Outre l'évident profit financier généré par ces manœuvres, l'Unifab explique aussi que les grands groupes criminels investissent ce secteur, notamment en France, en raison du faible risque judiciaire.
"En France, les consommateurs risquent au plus des amendes douanières rarement appliquées et la confiscation des produits. Les contrefacteurs encourent jusqu'à trois ans de prison, une peine qui est rarement prononcée. Ce plafond peut monter à sept ans en cas de participation à un réseau criminel organisé ou si les produits contrefaits présentent un risque pour la santé ou la sécurité", explique le rapport.
Et les voies d'approvisionnement ne manquent pas. Selon un sondage de 2023, un tiers des Européens jugent acceptable d'acheter de la contrefaçon et ce chiffre monte à 50% chez les jeunes.
Risques sanitaires
Pour que le système fonctionne, selon Delphine Sarfati-Sobreira, "il faut des moyens colossaux, des moyens détenus par les organisations criminelles, qui blanchissent les profits issus de la contrefaçon via des sociétés-écrans et mêlent la contrefaçon à d'autres trafics, comme la drogue ou la prostitution".
"Pour 10% du prix, on a 10% du produit. Je dis aux consommateurs: 'Achetez plutôt un produit de meilleure qualité qui ne soit pas une contrefaçon car il sera plus durable, et vous ne prendrez aucun risque pour votre sécurité", ajoute la directrice générale de l'Unifab.
"Ces produits sont dangereux, vous avez du plomb, du mercure, les produits ne sont pas recyclables."
En effet, le député Modem Christophe Blanchet, président du Comité national anti-contrefaçon, rappelle que, par exemple, avec des contrefaçons de produits cosmétiques, il y a des risques de brûlures au troisième et quatrième degré".