Un rapport dévoile l'état désastreux des tribunaux français

Un syndicat de magistrats brosse un tableau très sombre de l'état des juridictions françaises, dans un rapport rendu public mardi jour de l'arrivée officielle du nouveau ministre de la Justice, Michel Mercier. /Photo d'archives/REUTERS/ - -
par Thierry Lévêque
PARIS (Reuters) - Un syndicat de magistrats brosse un tableau très sombre de l'état des juridictions françaises, dans un rapport rendu public mardi jour de l'arrivée officielle du nouveau ministre de la Justice, Michel Mercier.
Dans les 165 juridictions visitées, l'Union syndicale des magistrats (majoritaire) dénonce les sous-effectifs, l'accumulation des stocks de dossiers en attente de traitement, les difficultés créées par les réformes multiples ou encore des locaux délabrés ou souvent inadaptés.
Cette enquête confirme les conclusions d'un autre rapport publié en octobre par le Conseil de l'Europe, qui classe la France au 37e rang continental pour le pourcentage du produit intérieur brut (PIB) par habitant consacré à la justice.
Le budget pour 2011 pour la justice est de 7,1 milliards d'euros, soit environ 2,5% du budget de l'Etat. Près de trois milliards vont exclusivement à l'administration pénitentiaire.
Lors de la cérémonie de passation de pouvoirs à Michel Mercier, la ministre de la Justice sortante, Michèle Alliot-Marie, a fait une allusion critique à l'enquête de l'USM, qualifiant de "ridicules" certaines de ses affirmations.
En revanche, le Premier ministre François Fillon, reconduit dans ses fonctions dimanche, a promis d'agir. "Pour continuer à progresser sur le champ de la sécurité, nous devons maintenant amplifier l'effort de modernisation de la justice", a-t-il déclaré à l'Assemblée nationale.
CATALOGUE DU DÉLABREMENT
L'USM évoque l'eau qui coule sur les murs de la salle des pas perdus à Dunkerque, ou à Sarreguemines, les travaux de toiture en cours et suspendus sine die à Colmar, les bureaux étroits partagés par trois magistrats à Nantes, le tribunal d'Aix-en-Provence hébergé dans une ancienne clinique.
Faute de locaux, les justiciables attendent souvent dans les escaliers ou les couloirs, comme à Vesoul, Paris et Thionville. A Amiens, des câbles électriques courent sur le sol. Les ascenseurs sont un peu partout en panne, ce qui oblige à des transports pénibles de dossiers dans les escaliers.
Il n'y a pas de toilettes publiques dignes de ce nom dans de nombreux palais de justice, et des odeurs nauséabondes y flottent souvent, souligne l'USM.
Dans le plus grand palais de justice de France, à Paris, beaucoup de magistrats n'ont pas de bureau ou pas d'ordinateur attitré et ils doivent travailler chez eux.
Dans des locaux qui datent souvent du XIXe siècle, ou sont bien plus anciens, brancher un ordinateur dans une salle d'audience peut relever de l'utopie, fait remarquer le syndicat.
Très souvent, les juridictions sont éclatées en plusieurs lieux, comme pour les trois sites du tribunal de La Rochelle. A Belfort, le tribunal siège dans les locaux de la mairie.
Il y a de l'amiante dans de nombreux locaux. Les scellés criminels - pièces à conviction - et archives sont conservés dans de mauvaises conditions, voire entassés, ce qui compromet la résolution de dossiers anciens.
Partout, les budgets de fonctionnement sont insuffisants.
Le matériel informatique est obsolète. À Bobigny, deux greffières doivent partager la même cartouche d'encre, mais les matériels de visio-conférence installés à grand frais lors de la réforme de la carte judiciaire sont peu utilisés, car inadaptés ou impossibles à utiliser.
Cette réforme de la carte judiciaire, qui a supprimé 256 juridictions de petite taille depuis 2007, a généré, selon l'USM, d'autres problèmes. Seuls 427 des 900 millions d'euros promis pour les regroupements immobiliers ont été débloqués.
Avec cette enquête, l'USM estime avoir confirmé "l'existence d'une profonde crise dans la magistrature, morale, financière et juridique".
Édité par Gilles Trequesser