Soulèvements de la terre: le Conseil d'État tranchera "en fin de semaine" sur sa dissolution ou non

Le décret de dissolution des Soulèvements de la terre va-t-il être suspendu? Le Conseil d'État a examiné ce mardi un recours déposé par ce collectif écologiste contre ce décret. Après 2h45 d'audience, les juges ont indiqué révéler leur décision sur la suspension de la dissolution "en fin de semaine".
La plus haute juridiction administrative française a été saisie fin juillet selon une procédure d'urgence dite de "référé-suspension" par les Soulèvements de la terre. Celle-ci vise le décret de dissolution pris le 21 juin par le gouvernement qui reproche au collectif d'"appeler" à des violences et d'y "participer".
Plusieurs associations et partis (dont La France insoumise, EELV, Agir pour l'environnement...) ainsi que des centaines de particuliers se sont associés à ce recours.
Décision en délibéré
"Cette audience est la première manche d’une très longue bataille judiciaire", a souligné lors d'un rassemblement de soutien organisé devant le Conseil d'État Basile Dutertre, qui se présente comme "une des voix des Soulèvements de la terre".
Cet activiste est nommément visé par le décret de dissolution, étant considéré comme l'un des dirigeants du mouvement.
Après avoir entendu les parties, le Conseil d'État devrait mettre sa décision en délibéré. Une audience sur le fond doit examiner ultérieurement la légalité du décret de dissolution.
Sabotage et violence
Le gouvernement avait annoncé son intention de dissoudre ce mouvement le 28 mars, quelques jours après de violents affrontements entre gendarmes et opposants à la construction de retenues d'eau à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).
Dans son décret, l'exécutif affirme que "ce groupement incite à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence". Il lui reproche aussi de jouer "un rôle majeur dans la conception, la diffusion et la légitimation de modes opératoires violents dans le cadre de la contestation de certains projets d'aménagement".
Des assertions que conteste le collectif, jugeant que les faits qui lui sont reprochés sont "inopérants", "matériellement inexacts" ou ne lui sont pas "imputables". Selon les Soulèvements de la terre, les "appels à la désobéissance civile" ne relèvent pas de la "provocation à des violences" et "ne peuvent être juridiquement qualifiés de violences", les "dégradations contre les biens ne mettant pas en danger la vie d'autrui".
D'une manière générale, le mouvement estime que sa dissolution était "liberticide car attentatoire à la liberté d'expression" et "à la liberté d'association".
Un "groupement de fait"?
Les Soulèvements font valoir aussi qu'ils ne sont pas "un groupement de fait", comme l'assure le gouvernement, mais "un courant de pensée fondé sur un vaste mouvement, dépourvu de dirigeants comme de membres identifiés".
C'est "un mouvement composite qu’on ne peut pas dissoudre comme on ne peut pas dissoudre par exemple le mouvement féministe. La question à laquelle devra répondre le Conseil d’État, c’est: peut-on réellement dissoudre un courant de pensée?", a argumenté Aïnoha Pascual, avocate du mouvement.
Autre argument des avocats du collectif: les droits de la défense ont été, selon eux, "bafoués" avec un délai procédural "excessivement compressé" et l'ajout d'éléments nouveaux non communiqués par l'État "en violation du principe du contradictoire".
Pour eux, cette procédure est "capitale" car "c'est la "première fois qu'il y a la dissolution d'un mouvement aussi important, avec presque 150.000 personnes qui s'en revendiquent publiquement". C'est aussi "la première fois qu'un mouvement de l'écologie politique fait l'objet d'une telle procédure", a souligné vendredi lors d'un rassemblement dans le Larzac Basile Dutertre.
La plupart des procédures de dissolution de ces dix dernières années ont visé des groupes d'extrême droite ou des mouvements islamistes. Si la grand majorité des recours contre ces décisions ont été rejetées, en mai 2022, le Conseil d'État avait suspendu en référé la dissolution du Groupe antifasciste Lyon et environs (Gale), estimant que les éléments avancés par le gouvernement "ne permett(ai)ent pas de démontrer que le Gale a(vait) incité à commettre des actions violentes et troublé gravement l'ordre public".