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Police-Justice

Nice: Jérôme Kerviel est désormais derrière les barreaux

Jérôme Kerviel peu après son interpellation, dans la nuit de dimanche à lundi.

Jérôme Kerviel peu après son interpellation, dans la nuit de dimanche à lundi. - -

Tout juste après avoir passé la frontière franco-italienne, l'ex-trader s'est fait interpeller par la police à Menton, sans opposer la moindre résistance. Il est désormais derrière les barreaux.

Il vient de débuter sa peine. Jérôme Kerviel est depuis ce lundi matin derrière les barreaux, à la prison de Nice. C'est le procureur de justice de cette ville qui l'a annoncé.

Un événement qui intervient alors que l'ex-trader, tout juste rentré d'Italie, a été interpellé par la police cette nuit, à Menton, après avoir franchi la frontière. C'est à minuit, heure limite à laquelle il devait se présenter aux autorités en vue de purger une peine de trois ans de prison ferme, qu'il a été arrêté.

Dès son arrivée en France, l'ex-banquier de la Société Générale a été approché par deux policiers en civil, qui l'ont emmené très rapidement, en voiture. Jérôme Kerviel n'a opposé aucune résistance. "Je vais me présenter au premier policier que je trouve", avait-il annoncé peu avant de retrouver son pays, au terme de deux mois et demi de parcours pédestre en Italie.

Un sit-in silencieux

L'interpellation a laissé les soutiens de Jérôme Kerviel désemparés, certains en pleurs. "C'est violent", a commenté, très ému, le père Patrice Gourrier, qui s'est mis en disponibilité pendant trois ou quatre mois pour terminer la marche de Kerviel jusqu'à Paris.

"Dès que Jérôme sera parti du commissariat de Menton, nous entamerons une marche symbolique jusqu'au Palais de justice de Nice", a-t-il ajouté lundi matin sur l'antenne de BFMTV/RMC, vêtu du gilet rouge porté pendant deux mois par Kerviel. Avant de poursuivre "le combat", le père a appelé à un sit-in silencieux.

Cher Jérôme, nous espérons que tu as pu te reposer. On arrive ! Nous seins devant le commissariat de Menton dans quelques minutes.
— Gourrier Patrice (@gourrierpatrice) 19 Mai 2014

"Je n'ai jamais été en fuite"

"Aujourd'hui je n'ai pas perdu, j'ai passé une magnifique journée auprès des miens, aujourd'hui je suis heureux, je suis libre, je me rends à la police et à la justice", a-t-il déclaré, visiblement tendu avant de perdre sa liberté.

Dimanche soir, l'ancien courtier, qui refusait de regagner la France en attendant que François Hollande réponde à ses requêtes, avait finalement annoncé son intention de rentrer. "Je n'ai jamais été en fuite, j'ai toujours assumé ma responsabilité", avait-il dit en quittant son hôtel de Vintimille, souriant, sac au dos et tenue de randonneur, avant de faire un bref passage par une église puis de s'attabler longuement à une pizzeria avec une dizaine de proches. 

Peu avant 21h30, à la tombée de la nuit, le groupe avait pris la route, direction la frontière à Menton, à 12 km.

Des annonces contradictoires

Jérôme Kerviel a été définitivement condamné à cinq ans de prison, dont trois ans ferme, pour avoir provoqué des pertes colossales de 4,9 milliards d'euros pour son ancienne banque.

Il devait regagner la France dès samedi. Mais, à 100 m de la frontière, accueilli par une centaine de partisans acclamant leur nouveau porte-drapeau en lutte contre le monde de la finance, il avait finalement annoncé devant une forêt de caméras son intention de rester en Italie tant que le président François Hollande n'assurerait pas une "immunité" en faveur de témoins dans son dossier.

L’Élysée avait simplement répondu que si Jérôme Kerviel sollicitait une grâce présidentielle, sa demande serait examinée "selon la procédure habituelle". Dimanche matin encore, il campait sur sa décision de rester en Italie, attendant toujours une réponse de l'Elysée, dénonçant des "dysfonctionnements judiciaires" dans le traitement de son affaire, sa défense demandant à rencontrer le chef de l'Etat.

Interrogé par l'Agence France-Presse (AFP), l'entourage du président a répondu qu'"aucune rencontre n'(était) à l'ordre du jour". Pour l'Elysée, le chef de l'Etat est "le garant constitutionnel de l'indépendance de l'autorité judiciaire" et est "attaché au respect des décisions rendues par les juridictions françaises". Selon une source gouvernementale, l'exécutif n'avait pas l'intention de "tomber dans le piège évident tendu par Kerviel et son avocat".

Un "escroc", tance Michel Sapin

Dimanche soir, le ministre des Finances Michel Sapin a même affirmé que Kerviel était "un escroc" qui a été "condamné" et devait "purger sa peine". Jean-Luc Mélenchon a au contraire exprimé le soutien du Front de gauche "parce qu'il est innocent", regrettant que la Société Générale ait "refusé toute expertise indépendante".

Conseillé par une douzaine de stratèges de son comité de soutien, avec son avocat Me David Koubbi en chef d'orchestre, Jérôme Kerviel aura maintenu pendant deux jours le suspense face aux caméras qui lui ont offert une tribune inespérée.

La Société Générale a dénoncé depuis samedi un "tapage médiatique", "semé de mensonges". Jérôme Kerviel, jugé seul responsable de la perte subie par sa banque, a été condamné en octobre 2010 à cinq ans de prison, dont trois ferme. Il a déjà purgé 41 jours en détention provisoire début 2008.

Un nouveau procès au civil

Le trader avait dissimulé ses prises de risques avec des produits financiers dérivés, en introduisant de fausses données dans un système automatisé. Il a également été condamné à rembourser les pertes, mais la Cour de cassation a invalidé en mars cette obligation, tout en maintenant sa peine de prison. Une "victoire" qui a donné des ailes à l'ex-trader. Un nouveau procès au civil doit se tenir devant la cour d'appel de Versailles.

L'ex-banquier avait entamé sa longue marche depuis Rome le 5 mars après une rencontre avec le pape François en février. "J'étais face à un homme détruit", raconte Mgr Jean-Michel di Falco, à propos de sa rencontre à Rome avec Kerviel. L'évêque, devenu président de son comité de soutien, a célébré samedi une messe en son honneur à Vintimille.

Jé. M. avec AFP