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Police-Justice

Manifestations, terrorisme... La police est à bout

Selon les syndicats, 200 policiers ont été blessés mardi lors d'affrontements avec les casseurs à Paris.

Selon les syndicats, 200 policiers ont été blessés mardi lors d'affrontements avec les casseurs à Paris. - Dominique Faget - AFP

Multiplication des missions et ordres trop tardifs, les policiers français n'en peuvent plus. Pris pour cible par les casseurs, les forces de l'ordre réclament plus de fermeté et plus de justice.

Le 18 mai dernier, les policiers disaient "stop à la haine anti-flics". Une manifestation rare, alors que ces derniers ne disposent pas du droit de grève. Ils souhaitaient dénoncer les violences dont ils sont victimes et lancer un appel aux autorités pour réclamer plus de liberté face aux casseurs et de fermeté dans les dispositifs de maintien de l'ordre. Un mois plus tard, les choses ne semblent pas avoir évoluées, assurent-ils. Exprimant désormais leur ras-le-bol sans filtre. 

Les affrontements avec des casseurs lors de la dernière manifestation contre la loi Travail à Paris mardi ont fait 29 blessés du côté des forces de l'ordre selon la préfecture de police de Paris. Un chiffre rejeté par les syndicats policiers, unanimes, qui parlent de 200 policiers blessés. "Dans la 32e compagnie d'interventions de Paris, celle qui était en place à l'hôpital Necker, il y a une quarantaine d'hommes blessés", dénombre, sur RMC, Nicolas Comte, secrétaire général adjoint d'Unité SGP Police FO, détaillant les hommes touchés sur place mais aussi ceux qui se déclarent le soir ou le jour d'après avoir été blessés.

50 minutes d'attente avant de pouvoir intervenir

En cause, selon eux: le manque de consignes claires. Les incidents qui se sont déroulés à l’hôpital Necker en seraient la preuve. Sur les images : les casseurs brisent les vitres de l’établissement de santé. En retrait, les policiers, visés eux aussi par des fumigènes et des projectiles, ne bougent pas. Hors légitime défense ou secours, les hommes sur le terrain ne peuvent rien faire sans l’aval de leurs supérieurs. Dans ce cas, la préfecture de police de Paris.

"Ils sont sur leur position, poursuit Nicolas Comte. On les a postés, on leur a ordonné de tenir leur position. Ils ont vu pendant quelques minutes les casseurs arrivés, les casseurs s’installer, les casseurs se fournir en projectiles. Ensuite, ils ont vu les casseurs les attaquer."

Poursuivant, le syndicaliste dénonce le temps de réaction des autorités: selon lui, les policiers ont attendu "plus de 50 minutes" avant de pouvoir utiliser l'un des trois canons à eau déployés ce jour-là. A ces engins s'ajoutent "plus de 1.500 forces de police en unités de forces mobiles" et "près d’un millier de fonctionnaires de police de la préfecture", soit "un dispositif assez lourd, assez exceptionnel par son ampleur", a estimé Michel Cadot, le préfet de police de Paris.

Les grenades de désencerclement interdites

Déjà utilisés à Rennes ou Nantes, les canons à eau ont été sortis à Paris pour la première fois mardi. En revanche, les compagnies d'intervention ont reçu l'interdiction d'utiliser les lanceurs de balles de défense et les grenades de désencerclement. L'équipement est mis en cause après qu'un manifestant a été blessé grièvement à la tête l'autre d'une autre manifestation le 26 mai dernier. "On peut s'interroger sur l'interdiction de ses moyens, note Olivier Hourcau, secrétaire national province du syndicat Alliance Police.

Et de poursuivre: "La police fait son travail dans un cadre légal. Ce sont des moyens pour que les policiers se protègent mais aussi pour protéger la population."

Surtout pour les policiers, ces instructions ne permettent pas un travail serein. Ils s'étonnent par exemple que dans le cadre de l'état d'urgence, les manifestations du mouvement Nuit debout n'aient pas été interdites, et se préparent à statuer au cas par cas sur les manifestations syndicales. "La police en France, elle sait faire, encore une fois, quand elle a des ordres clairs, martèle Nicolas Comte. Dire qu’on va interdire des manifestations, alors que nous même nous n’avons pas l’impression d’avoir tout fait pour qu’elles se déroulent dans de bonnes conditions, ça me parait pour le moins particulier."

Des missions qui se multiplient

La situation n'a rien de parisienne. "On aprle de Paris, notamment avec les incidents à l'hôpital Necker, mais il y a les manifestations dans les autres villes de province", rappelle Olivier Hourcau. Et la situation ne va pas en s'arrangeant. Attentats, lutte contre le terrorisme, Cop 21, manifestations contre la loi El Khomri, Euro de football... les policiers devront encore faire face aux festivités du 14 juillet, à la fête de la Musique ou encore les fêtes de Bayonne ou le Tour de France.

"La question est de savoir quand est-ce que tout cela va s’arrêter, déplore Philippe Capon, du syndicat UNSA Police. Les policiers sont dans un état de fatigue, de lassitude." 

Et à Nicolas Comte de conclure: "La police est à bout. A chaque fois, il y a des éléments qui viennent se rajouter à la fatigue physique. A cette fatigue, il y a la fatigue morale qui a plusieurs raisons." Citant le double assassinat d'un couple de policiers à Magnanville.

Tous l'assurent: malgré les difficultés, la police continuera à travailler et à répondre aux missions "avec abnégation".

Justine Chevalier