"Les prisons sont devenues un asile psychiatrique": Dominique Simonnot dénonce la surpopulation carcérale

Dominique Simonnot, contrôleuse des lieux de privation de liberté, le 20 octobre 2020 - BFMTV
La surpopulation carcérale, qui a atteint un nouveau record historique dans les prisons françaises avec 74.513 personnes détenues au 1er juillet, a des conséquences directes sur leur santé mentale et physique, dénonce dans les colonnes de Ouest-France Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
"Les prisons françaises sont devenues un grand asile psychiatrique: environ 30 % des détenus souffrent de troubles psychiques", alerte-t-elle.
Avec 60.666 places opérationnelles dans les établissements pénitentiaires au 1er juillet, la densité carcérale globale s'établit désormais à 122,8% contre 118,7% il y a un an. Un taux beaucoup trop élevé: certains détenus sont contraints de dormir sur un matelas à même le sol. D'autres "passent 21 heures sur 24 dans leur cellule, à trois parfois dans une dizaine de mètres carrés", explique Dominique Simonnot.
"À l’inverse, en Allemagne, ils ont ouvert des hôpitaux spéciaux pour ces personnes. Il y a là-bas un détenu par cellule: ce sont tout de même des conditions de détention plus dignes", pointe la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
"En France, les cellules sont infestées par les punaises de lit, les cafards qui apportent des maladies. Récemment, à Perpignan, j’ai vu des détenus dont les bras et les jambes étaient dévorés par des puces", dénonce-t-elle.
"C’est un abandon des détenus"
"Or, les Français paient 110 € par jour et par détenu, sur leurs impôts pour des prisons qui créent les conditions de la récidive et non de la réinsertion", souligne Dominique Simonnot.
Une situation qui illustre, selon la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, "l'échec" de "la politique pénale actuelle".
"La prison ne remplit plus son rôle de réinsertion. Il y a 17% d’illettrés en prison. Pourquoi ne leur apprend-on pas à lire? En Allemagne, 70 % des détenus travaillent contre 28 % en France", pointe Dominique Simonnot.
"Pourquoi? C’est un abandon des détenus. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé ces dernières années vouloir construire 15.000 nouvelles places de prison. 7500 auraient dû être livrées en 2022. Or, il n’y en a eu que 2000", dénonce-t-elle.
Un nouveau record battu fin août?
Depuis son arrivée au ministère de la Justice, l'ancien avocat Éric Dupond-Moretti a plusieurs fois été interpellé au sujet de la surpopulation carcérale. Promettant une construction de places dans les établissements pénitentiaires, il s'est prononcé contre la libération de certains détenus.
"La société française n’est pas prête à ce qu’on libère 13.000 personnes", a-t-il dit début juin devant l’assemblée générale du Conseil national des barreaux, raconte "Le Monde".
"Si ce qu’avait mis en place le garde des sceaux fonctionnait, on l’observerait", tacle dans Ouest-France Dominique Simonnot, qui s'inquiète de chiffres encore plus élevés lors de leur prochaine publication à la fin du mois d'août.
Car la hausse de la population carcérale entre juin et juillet "n’est pas liée aux condamnations qui ont suivi les émeutes du début de l’été", explique-t-elle. À raison: les chiffres du ministère datent du 1er juillet, alors que les nombreuses condamnations sont principalement intervenues les jours suivants.
Le ministre de la Justice avait alors demandé "une réponse rapide, systématique et ferme aux magistrats". Et des peines très sévères ont été prononcées dans la foulée. Un jeune homme a ainsi été condamné à dix mois de prison ferme après avoir été interpellé, à la sortie d'un magasin pillé, une canette de Red Bull à la main.