Le procès "pétrole contre nourriture" s'ouvre en France

L'ancien ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, fait notamment partie des prévenus. - -
Le volet français des détournements du programme de l'ONU en Irak "pétrole contre nourriture", dans les années 90, fait l'objet, ce lundi en France, d'un procès avec vingt prévenus, dont l'ex-ministre Charles Pasqua, le groupe Total, son PDG et d'ex-diplomates.
Pendant un mois, le procès, qui s'ouvre à 12H30 GMT, va se plonger dans l'Irak de Saddam Hussein et décortiquer les mécanismes de contournement d'un embargo économique décrété contre son régime, après l'invasion irakienne du Koweït en 1990.
Programme humanitaire détourné
En 1995, cet embargo avait été allégé par l'ONU, via le programme "pétrole contre nourriture" ("oil for food"), qui permettait alors à Bagdad de vendre des quantités limitées de pétrole, en échange de biens humanitaires et de consommation nécessaires à la population.
Or, il s'avèrera après la chute du dictateur, en 2003, année de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, que son régime avait détourné massivement ce programme, par le biais de ventes parallèles et surfacturations.
D'une part, les dirigeants irakiens attribuaient des barils à des personnalités "amies", qui recevaient des commissions lors de la revente du pétrole en contrepartie de leur lobbying en faveur de la levée de l'embargo.
D'autre part, le régime de Bagdad exigeait des compléments de prix (surcharges) par rapport aux tarifs déclarés à l'ONU et empochait la différence par le biais d'intermédiaires et sociétés écrans.
Le scandale avait éclaboussé des centaines de sociétés et personnalités dans plusieurs dizaines de pays, en France notamment.
Pasqua et Margerie sur le banc des prévenus
Des responsables d'associations, des hommes d'affaires, des journalistes et d'anciens diplomates - dont Jean-Bernard Mérimée, ex-ambassadeur de France à l'ONU - se retrouvent ainsi, ce lundi, sur le banc des prévenus. Ils sont poursuivis pour avoir bénéficié d'allocations de pétrole.
À leurs côtés, l'ancien ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua, qui nie avoir profité des largesses des Irakiens.
Le groupe Total, poursuivi comme personne morale, est quant à lui soupçonné d'avoir sciemment payé des surfacturations afin d'obtenir des contrats et acheté du brut provenant d'allocations illicites à des personnes privées. Mais il nie toute intention frauduleuse ou violation d'embargo.
Plusieurs cadres de Total sont également poursuivis, de même que son PDG actuel, Christophe de Margerie, qui réfute lui aussi toute malversation.
Corruption ?
Le dossier repose en outre largement sur des accusations de corruption, un chef que contestent les avocats des prévenus. Selon eux, il ne peut pas y avoir corruption puisque les surcharges étaient exigées par l'Etat irakien et versées dans ses caisses. Avant d'aborder le fond de l'affaire, le tribunal va examiner divers points de procédure.
La défense prévoit en particulier de poser des "questions prioritaires de constitutionnalité" (QPC) qui, si elles sont jugées valables, pourraient entraîner un report du procès.