Le procès Colonna prend fin sur une promesse d'explication

La cour d'assises de Paris a accepté vendredi, fait exceptionnel, de motiver son verdict concernant Yvan Colonna, attendu mi-juin au terme du cinquième procès de l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac. /Photo prise le 2 mai 2011/REUTERS/Benoît Tes - -
par Thierry Lévêque
PARIS (Reuters) - La cour d'assises de Paris a accepté vendredi, fait exceptionnel, de motiver son verdict concernant Yvan Colonna, attendu mi-juin au terme du cinquième procès de l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac.
La défense du militant nationaliste, jugé pour sa part pour la troisième fois pour le crime le plus grave en 40 ans de violence politique sur l'île, a obtenu ainsi une première juridique en France, si l'on excepte un précédent régional.
La cour va dire par écrit, en répondant à une série de questions, comment elle analyse ce crime commis au nom de la cause nationaliste corse et qui a depuis 13 ans déstabilisé la justice, la police et le pouvoir français.
La loi française prévoit actuellement que c'est l'intime conviction qui préside à la décision et qu'elle n'a pas à être expliquée par écrit, mais ce schéma est ébranlé par des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme.
La cour s'engage ainsi dans une évolution empruntée déjà de manière isolée par une cour d'assises régionale et encouragée par un arrêt récent du Conseil constitutionnel, préconisant cette méthode qui ne nécessite pas de réforme législative.
Condamné deux fois à perpétuité en 2007 et 2009, et rejugé après une cassation, Yvan Colonna est mis en cause sur le fondement d'un dossier d'accusation reposant essentiellement sur sa mise en cause initiale par quatre hommes ayant participé au crime et par certaines de leurs épouses.
RÉQUISITOIRE LA SEMAINE PROCHAINE
Le procès s'est engagé vendredi dans les plaidoiries finales, qui doivent se poursuivre toute la semaine prochaine, le réquisitoire du parquet étant attendu mardi ou mercredi.
Après cinq semaines de débats, une centaine de dépositions de témoins et un transport à Ajaccio sur les lieux du crime lundi dernier avec Yvan Colonna, le dossier n'a pas fondamentalement évolué.
Les personnes ayant accusé Yvan Colonna en 1999, et qui avaient maintenu cette position pour certaines jusqu'à son arrestation en 2003, ont de nouveau assuré comme à ses deux premiers procès qu'il était innocent, mais de manière ambiguë.
Pierre Alessandri, qui s'accuse depuis 2004 d'être l'homme qui a tiré sur Claude Erignac, a reproché vivement à la barre à Yvan Colonna son manque d'engagement nationaliste.
Alain Ferrandi, chef supposé du commando de tueurs, a expliqué qu'il n'avait pas jugé utile d'innocenter Yvan Colonna avant 2003, car selon lui il pouvait compter sur sa propre famille pour le faire.
Le frère de l'accusé, sa soeur Christine, qui est élue nationaliste, son père, l'ancien député socialiste Jean-Hugues Colonna, et tous leurs proches assistent à toutes les audiences.
Lors des procès précédents, l'accusation estimait que les témoins étaient menacés en Corse. La police a amené de l'eau à son moulin en transmettant à la cour la semaine dernière une lettre attribuée à Yvan Colonna, datée de 2010, où il menace Pierre Alessandri de "guerre" s'il ne le blanchit pas.
La défense a d'abord admis devant la presse qu'Yvan Colonna en était l'auteur, avant de faire volte-face et de parler de faux et de manipulation. La cour a refusé d'écarter la pièce des débats et elle fera sans doute l'objet d'une question dans la motivation du verdict.
Edité par Yves Clarisse