Le père d'un soldat tué témoigne

Le père d'une des victimes témoigne. - -
Sylvain, le père d'une des victimes de l'embuscade de lundi en Afghanistan, a adressé un mail à RMC : « Jean-Jacques, et vous tous qui écoutez sur RMC, comme moi, chaque jour, de façon anonyme, il faut que nous perdions notre fils pour qu'enfin je vous parle. »
Jeune soldat du 8ème Régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMA) de Castres dans le Tarn, Alexis, 20 ans était en Afghanistan depuis un mois. « C'était sa première mission en opération extérieure. Il était si heureux et si inconscient de ce qu'il allait connaître en allant là-bas. Au nom de l'intérêt de quoi ? »
Ce matin, son père était au micro de Jean-Jacques Bourdin. Il a témoigné avec à la fois beaucoup d'émotions et de pudeur :
« Quand on vous dit que votre fils est mort, il n'y a plus rien d'autre à savoir. Comme toutes les familles, on est dans la douleur. Il faisait son métier, mais je crois que ces gamins étaient trop jeunes. Il faut être réaliste ; il avait choisi depuis 1 an de s'engager dans l'armée ; c'était sa volonté depuis ses 12 ans ; il voulait être soldat ; il l'a fait ; il est allé au bout... et voilà.
Il est certain que ce n'est pas avec 6 mois de formation, et après 6 mois d'activité en caserne, avec des manœuvres, qu'on devient soldat. En Afghanistan, les gens qui se battent là-bas sont nés dans la guerre ; ils sont chez eux en plus ; il s se sont toujours battus ; ils ne connaissent que ça. Donc, il est évident que c'était les envoyer au casse-pipe. On espère toujours qu'ils vont passer à travers.
Il était heureux de partir
Début juin, il savait déjà qu'il allait partir, mais il ne savait pas quand. Il est venu en permission début juillet, et il nous a dit qu'il partait. Il a fait la fête avec ses copains - à cet âge là, c'est ce qu'on fait de mieux. Et puis, il est parti, et on n'a plus eu de nouvelles ; son portable ne fonctionnait pas. On n'avait pas d'informations sur ce qui se passait.
Il était extrêmement fier. Moi, je ne connaissais pas du tout le milieu militaire. Ce n'est pas vraiment le truc de la famille à la base. En décembre, j'ai assisté à la remise des fourragères et j'ai rencontré ses chefs directs. J'ai trouvé qu'Alexis avait vraiment trouvé quelque chose qui lui convenait. Il était heureux et très fier d'être allé au bout de ce qu'il voulait. C'est quand même pas du gâteau la formation de parachutistes. C'est un gamin qui n'était pas du tout scolaire ; à l'école c'était pas évident. Par contre, quand il s'est trouvé là-bas, il avait la pugnacité, la rage d'avancer. Son seul regret c'est de ne pas avoir fini premier pendant ses classes, et d'avoir fini "que" deuxième, à quelques poussières de points du premier.
Au nom de l'intérêt de quoi ?
Tout ça nous dépasse évidemment. On le suit comme toujours d'un œil distrait. On a la chance d'habiter à la montagne, dans un endroit paradisiaque, où on est un peu loin de toutes ces violences, de toutes ces choses. Oui, au nom de quoi ? Parce qu'on sait bien que depuis qu'il y a des guerres, il y a des gamins qui sont tués, et puis que ça ne va pas changer grand-chose à la face du monde. Et là, on en parle, et demain ce sera oublié, terminé. Et il y en aura d'autres. C'est pas le premier, c'est pas le dernier qui laissera sa peau, au nom d'intérêts qui nous échappent totalement.
Je ne comprends pas vraiment l'importance d'envoyer des soldats en Afghanistan, dans la mesure où les gens là bas se battent depuis toujours ; ils ont foutu les Russes dehors. Ils sont chez eux, et je ne pense pas que des petits gamins qui débarquent et qui n'ont jamais rien vu, puissent changer quelque chose au cours des choses. Voilà, c'est tout. C'était son métier ; je n'en veux à personne. Mais c'est vraiment sur l'autel de l'inutile.
On part sur Paris tout à l'heure avec ses frères et sa sœur. On nous a dit qu'il y aurait une chapelle ardente ce soir. Et demain, il y aura une cérémonie militaire aux Invalides ? Tout ça, il faut le dépasser, parce que ça fait partie de son cursus, de sa vie, et de sa mort aussi. C'est comme ça, on le dépassera. »