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Police-Justice

La justice égare une plainte, le crime avoué ne sera finalement pas jugé

La chambre de l'instruction de Lyon avait jugé en 2018 qu'"il ne résulte pas la preuve ni un commencement de preuve d'un acte d'enquête ou de poursuite ayant pu interrompre la prescription de l'action publique".  - JEFF PACHOUD, AFP/Archives

La chambre de l'instruction de Lyon avait jugé en 2018 qu'"il ne résulte pas la preuve ni un commencement de preuve d'un acte d'enquête ou de poursuite ayant pu interrompre la prescription de l'action publique". - JEFF PACHOUD, AFP/Archives - -

Il avait fallu attendre quatorze ans pour élucider le meurtre, mais ce crime ne sera pas jugé: la Cour de cassation a confirmé, ce mercredi 11 décembre, la prescription d'un meurtre remontant à 2001 en raison notamment de la perte d'une plainte par la justice.

La Cour de cassation, plus haute juridiction française, a confirmé, ce mercredi 11 décembre, un arrêt de mars 2018 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon. Elle a ainsi rejeté le pourvoi formé notamment par la famille de Mohamed Abdelhadi, qui a aussitôt dénoncé un "déni de justice".

Le 9 décembre 2001, à Villefranche-sur-Saône (Rhône), Mohamed Abdelhadi disparaît à l'âge de 27 ans. Sa famille multiplie en vain les recherches. En 2008, elle dépose même plainte pour "disparition inquiétante". Là encore, sans succès.

Trois suspects mis en examen

Mais rebondissement en mars 2015: une femme dénonce son compagnon qui lui a avoué avoir poignardé à mort, avec son père, un jeune homme, dont ils a caché le corps dans une cave avant de l'enterrer dans un bois. En septembre 2016, le corps de Mohamed Abdelhadi est retrouvé dans un bois du Beaujolais. 

Le père et ses deux fils ont été mis en examen pour meurtre et complicité de meurtre. Le père, qui a reconnu les faits, est écroué.

Mais l'avocat de ce dernier avait saisi la justice, estimant que le délai de prescription, qui était alors de dix ans à compter du crime, était dépassé en l'absence "d'acte interruptif" dans la procédure. D'où l'importance de la plainte déposée en 2008 pour disparition inquiétante. 

Le suspect libéré l'an dernier

Mais cette procédure a été "égarée", rappelle la Cour de cassation dans son arrêt et les recherches pour la retrouver sont restées "vaines". La chambre de l'instruction de Lyon avait jugé en 2018 qu'"il ne résulte pas la preuve ni un commencement de preuve d'un acte d'enquête ou de poursuite ayant pu interrompre la prescription de l'action publique". Le meurtre était ainsi prescrit depuis le 1er janvier 2012

Le suspect du meurtre avait été libéré l'an dernier après cet arrêt.

"C'est comme s'il n'y avait jamais eu de meurtre. Nous voulions un procès", a réagi Rachida Abdelhadi, la sœur de Mohamed Abdelhadi. "On nous demande d'accepter l'inacceptable", a renchéri sa sœur Naouël. "On a la rage, ça va nous donner du courage pour continuer".

D'après une information du magazine Envoyé Spécial, les deux sœurs de la victime ont intenté une action en responsabilité contre l'Etat et également engagé un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

S. M. avec AFP