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L'assignation à résidence de Kamel Daoudi est-elle fondée? La cour d'appel se prononce ce mercredi

Kamel Daoudi lors de son procès en 2005 devant le tribunal correctionnel de Paris.

Kamel Daoudi lors de son procès en 2005 devant le tribunal correctionnel de Paris. - LAURENCE DE VELLOU / AFP

La cour d'appel a demandé au ministère public d'apporter la preuve que l'arrêté fixant l'assignation à résidence de Kamel Daoudi est fondé factuellement. Elle doit rendre sa décision ce mercredi.

Le plus ancien assigné à résidence de France retournera-t-il en prison? La cour d'appel de Riom, dans le Puy-de-Dôme, doit rendre ce mercredi sa décision concernant Kamel Daoudi, condamné pour avoir outrepassé le couvre-feu fixé de 21h00 à 7h00 dans le cadre de son assignation à résidence. Si la cour d’appel a déjà ordonné la remise en liberté de cet homme de 46 ans, après quatre mois d’incarcération, elle doit désormais se prononcer sur le fond de l’affaire.

Elle a ainsi demandé au ministère public d'apporter la preuve que l'arrêté - qui fixe le couvre-feu de Kamel Daoudi et qui a justifié sa condamnation en première instance - est fondé factuellement. Cette mesure définit le train de vie de Kamel Daoudi depuis déjà treize ans.

Kamel Daoudi, devant son hôtel à Saint-Jean-d’Angély, le 18 décembre. TOUT DROIT RÉSERVÉ.
Kamel Daoudi, devant son hôtel à Saint-Jean-d’Angély, le 18 décembre. TOUT DROIT RÉSERVÉ. © Photo Kamel Daoudi - droit réservé.

En 2005, ce Franco-algérien soupçonné d'avoir préparé un attentat contre l'ambassade des États-Unis à Paris a été condamné à six ans de prison, à une interdiction définitive du territoire et déchu de sa nationalité française. Il n'est cependant pas expulsable en Algérie, en raison des risques de torture encourus dans ce pays.

Une privation de liberté "à perpétuité"?

Kamel Daoudi est donc resté assigné à résidences successives depuis sa libération en 2008. Cette mesure, qu’il compare à une privation de liberté "à perpétuité", peut-elle être prolongée durant si longtemps, sans limite?

D’arrêtés en arrêtés, son assignation à résidence a été renouvelée "plus d’une dizaine de fois", explique son avocat, Me Emmanuel Daoud, à BFMTV.com. L’homme a effectué près de 14.000 pointages au commissariat et changé huit fois de ville d'assignation au gré des décisions du ministère de l’Intérieur.

Depuis de nombreuses années, son avocat se bat pour obtenir la levée de cette mesure, qu’il juge "violente psychologiquement, contraignante et assimilable à un traitement inhumain et dégradant".

Aucun texte n'interdit de prolonger l'assignation

Pourtant, aucun texte de loi n’empêche le ministère de l’Intérieur de prolonger ainsi l’assignation à résidence. Certes, dans une décision du 16 février 2018, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement l’article L.228-2 du code de la sécurité intérieur relatif aux mesures de surveillance aux fins de lutte contre le terrorisme.

Les Sages ont estimé "qu’au-delà de douze mois, une mesure d’assignation à résidence ne saurait, sans porter une atteinte excessive à la liberté d’aller et de venir, être renouvelée".

En principe, cette mesure ne devrait donc durer qu’un an, maximum. Mais, le Conseil constitutionnel a ajouté qu’elle pouvait être prolongée si "le comportement de la personne en cause constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public". C’est là tout l’enjeu du dossier de Kamel Daoudi, car son avocat conteste l’argument de dangerosité et estime que le ministère de l'Intérieur ne parvient pas à en apporter la preuve.

"Il documente ses arrêtés avec des notes blanches [émanant des services de renseignements, NDLR] totalement arbitraires. L’une d’entre elles relate le commentaire d'un policier disant avoir été mal regardé par M.Daoudi au moment où il est venu pointer au commissariat", illustre Me Daoud.

D'autres recours en cours

Reste à savoir le ministère public et le ministère de l'Intérieur parviendront à convaincre la cour d’appel du caractère licite de ces arrêtés. Pour l'heure, l'unique victoire de Kamel Daoudi devant les tribunaux date de 2018. Là encore, il était jugé pour deux retards à ses obligations de pointage et de couvre-feu. Le tribunal avait alors considéré que le ministère public et le ministère de l'Intérieur n'avaient pas justifié ni étayé les assignations. Cette lecture sera-t-elle renouvelée ce mercredi?

À l'audience, l'avocat général avait en tout cas demandé de confirmer sa condamnation, rappelant que Kamel Daoudi avait violé "à dix reprises" ses obligations d'assignation en août et septembre 2020, et avait estimé que la peine était "totalement justifiée". La décision est attendue en début d'après-midi.

D’autres recours sont par ailleurs pendants, notamment devant la cour d’appel administrative de Paris, pour demander l’annulation des arrêtés. "Et nous envisageons d’attaquer l’assignation en elle-même (et non pas uniquement les arrêtés) devant le tribunal administratif. On ne lâchera pas", affirme Me Emmanuel Daoud.

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV