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Jihad en Syrie: "Un millier de Français" sont concernés, selon Cazeneuve

Maxime Hauchard, Français de 22 ans, fait partie des bourreaux de l'Etat islamique, en Syrie.

Maxime Hauchard, Français de 22 ans, fait partie des bourreaux de l'Etat islamique, en Syrie. - BFMTV

Parmi ce millier de Français, environ 380 personnes combattent actuellement en Syrie ou en Irak au nom du jihad. Un chiffre d'autant plus inquiétant que la législation actuelle en France est déjà très répressive.

La France a été en 2014 confrontée à une explosion du nombre d'apprentis-jihadistes partant pour la Syrie et l'Irak, avec en corollaire l'angoissante question de leur retour et d'une éventuelle action terroriste sur son sol. Interrogé à ce sujet, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a révélé lundi matin sur BFMTV et RMC qu'environ "un peu plus d'un millier de Français" sont concernés par ce phénomène.

Dans le détail, "380 sont actuellement sur le théâtre des opérations terroristes, 200 en sont revenus après y avoir été, 185 sont sur le chemin pour aller en Syrie ou en Irak, et 200 ont exprimé le souhait d'y aller", précise le ministre de l'Intérieur. Outre ces personnes, près d'une soixantaine de Français sont morts en combattant pour le jihad. 

"L'appel du jihad" et les convertis

Parmi eux, un visage a marqué le pays: celui de Maxime Hauchard, 22 ans, décrit par ses voisins du petit village normand de Basc-Roger-en-Roumois comme "un gentil garçon", "sans problème", qui est apparu, en novembre, dans les rangs des égorgeurs de soldats syriens fidèles au régime de Damas dans une sanglante vidéo. Comme lui, ils sont des dizaines de convertis (20% du total) à avoir répondu à "l'appel du jihad", qui touche des jeunes gens mais aussi des adolescentes, des ruraux, des urbains, parfois des familles entières. 

Malgré l'une des législations les plus répressives du monde, encore durcie en novembre avec la possibilité de confisquer son passeport à un suspect, rien ne semble pouvoir endiguer cette vague de départs. La hausse des chiffres est peut-être due "au fait que les langues se délient, notamment du côté des familles qui appellent de plus en plus le numéro vert mis à leur disposition" ou à une hausse de la radicalisation. "Sans doute une conjonction des deux", confie, sous couvert de l'anonymat, un responsable de la lutte antiterroriste.

S'ils ne peuvent souvent pas empêcher les départs pour la Turquie, particulièrement lorsqu'il s'agit de majeurs, les enquêteurs ont eu cette année le sentiment de contrôler le mieux possible les retours en procédant à de nombreuses arrestations. "Le processus de repérage, de surveillance et d'interception des jihadistes de retour de la zone syro-irakienne est bien rôdé. La coopération avec les services turcs est bonne, désormais", assure le même responsable. "Certes les services travaillent en flux tendus, mais pour l'instant ils font face", dit-il. Ceci dit, "il y aura toujours le gars solitaire qui va sortir du bois tout d'un coup et que nous n'aurons pas vu venir".

Le danger des "agents dormants" à leur retour en France

Plus que Mohamed Merah, c'est l'exemple de Mehdi Nemmouche, qui a tué quatre personnes au musée juif de Bruxelles le 24 mai, peu après son retour de Syrie, qui inquiète les services spécialisés. "Pour l'instant, ceux qui vont faire le jihad en Syrie apprennent à tirer à la kalachnikov. Cela peut suffire, on l'a vu avec Nemmouche, qui a pris une kalach' et tiré sur des gens. Mais il pourrait bien y avoir pire bientôt", anticipe Louis Caprioli, ancien chef du contre-terrorisme à la DST (Renseignement intérieur, ndlr). "Pour le moment, Daesh est dans une situation de conquête territoriale: ils ont donc besoin de troupes pour conquérir et garder des territoires. Mais il leur faudra un jour ou l'autre riposter aux frappes aériennes de la coalition occidentale. Et là il est tout à fait possible qu'ils préparent des équipes pour frapper en Occident", dit-il. 

Il cite en exemple les camps d'Al-Qaïda dans la zone pakistano-afghane qui, avant le 11 septembre 2001, avaient formé des milliers de combattants islamistes radicaux. "C'est le plus dangereux: la sélection d'un petit nombre de volontaires auxquels on va donner des cours de fabrication d'explosifs, de survie dans la clandestinité, de contre-filatures, de reconnaissance. Il sera alors très difficile de les différencier de ceux qui rentrent de Syrie parce qu'ils ont été écoeurés, effrayés, dupés". Pour lui, ces "agents opérationnels" sauront "faire profil bas pendant six mois, un an ou plus s'il le faut. Le temps de se faire oublier avant de frapper". 

Un avis que partage l'expert français des mouvements jihadistes Romain Caillet. "Pour expliquer les retours, il n'y a que deux options", estime-t-il. "Soit ils ont fait défection, soit ils sont en mission". "Il y aura fatalement parmi ceux qui rentrent des agents dormants. Des gens auxquels on aura dit: 'A ton retour, fais cinq ans de prison s'il le faut, et à la sortie tu fais un attentat'. Ils sont patients, ils savent attendre". Selon Bernard Cazeneuve, depuis l'été 2013, cinq projets d'action terroriste ont été déjoués en France, dans lesquels des jihadistes de retour de Syrie étaient impliqués. 

A. G. avec AFP